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à celle que nous fournissent les sources que nous pouvons mettre couramment à contribution, et la somme d'énergie qu'absorberait ou que dégagerait la composition ou la décomposition d'un poids, même relativement minime, de matière élémentaire serait à tel point formidable, que l'on a pu dire avec raison que si nous parvenions à faire de l'or, en partant d'un autre élément, le prix de l'énergie qui naîtrait ou serait absorbée à cette occasion dépasserait incommensurablement celui du métal produit. Ainsi cette conception, loin de confirmer les assertions des alchimistes, constitue une preuve directe qu'ils ont dû se tromper et qu'il n'a pu y avoir transmutation au cours des opérations qu'ils mettaient en oeuvre et où ils ne faisaient usage que de procédés analogues à ceux de nos laboratoires de chimie (mais, bien entendu, beaucoup moins puissants encore que ceux dont on y a l'habitude actuellement). On peut même dire que c'est là la première démonstration véritable de l'impossibilité de la transmutation alchimique, laquelle impossibilité est évidemment, et par le fait même qu'il s'agit d'une négation apodictique, fort difficile à prouver par ailleurs (1) et cette constatation est fort propre à nous faire sentir combien profonde est parfois la distinction qui sépare les diverses formes qu'une seule et même conception fondamentale est susceptible de revêtir successivement dans la science.

1. Sir E. Rutherford, tout en traitant, d'un bout à l'autre de son discours au Congrès de la "British Association" de 1923,l'unité de la matière comme une vérité acquise et désormais inébranlable, aboutit cependant à cette conclusion qu'il se pourrait fort bien que «l'uranium et le thorium représentent les uniques survivants, sur la terre actuelle, d'un type d'éléments qui était commun dans des âges très reculés, alors que les atomes qui composent la matière à l'heure qu'il est se trouvaient en voie de formation Dans cette hypothèse «la présence d'une somme d'énergie susceptible d'être libérée ne serait point une propriété de tous les atomes, mais seulement d'une classe particulière d'atomes, tels que, par exemple, les atomes radioactifs, qui n'auraient pas encore atteint l'état d'équilibre définitif ("The Electrical Structure of Matter", The Times, sept. 13th, 1923, p. 16, col. 4).