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quelconque d'un tel flux perpétuel sortant d'un point mathématique, c'est-à-dire de rien, et qu'il paraît fort embarrassant de s'imaginer comment des toiles d'araignées de ce genre parviendraient à se mouvoir à travers l'espace sans se gêner mutuellement ("Identité et réalité", p. 73 et suiv.). La vérité est que, selon l'expression pittoresque de Lotze, l'action de la force newtonienne se passe "derrière le dos" de l'espace; le concept est, au fond, aspatial, ou plutôt spatial et aspatial à la fois, c'est-à-dire contradictoire en lui-même, ce qui explique que les physiciens aient constamment cherché à en débarrasser leur science. Et c'est ce qui nous fait comprendre aussi comment il a pu jouer, à l'égard de la réduction à l'espace cartésienne, le rôle d'un engin de destruction décisive aussitôt le concept de force établi en physique, le système de Descartes paraît mort et oublié. Et, de même, nous saisissons à présent pourquoi M. Einstein, considérant les phénomènes de la gravitation, non plus comme les effets d'une force, mais comme des mouvements purs, a pu les réintégrer dans le cadre de la déduction spatiale.

Pour résumer brièvement l'évolution qui s'est produite entre la conception de Descartes et celle de M. Einstein, nous dirons que le premier a méconnu la spécificité des phénomènes gravitationnels, en se contentant de supposer qu'ils étaient explicables par des actions purement mécaniques telles qu'il les concevait, que Newton, en faisant ressortir cette spécificité, a ruiné le système cartésien et que M. Einstein y est revenu, en montrant que la spécificité n'était ici qu'apparente, puisqu'on peut en fin de compte parvenir à identifier gravitation et inertie.