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de l'unité de la matière et se plier à la supposition de l'existence de matières élémentaires diverses et sans lien les rattachant l'une à l'autre, de même ceux qui observaient et expérimentaient les phénomènes optiques, caloriques, etc. arrivèrent bien vite à concevoir que chaque classe de ces phénomènes était caractérisée par des traits qui rendaient illusoire leur réduction au schéma général de Descartes.

1. E. Borel, "L'espace et le temps", Paris, Alcan, 1922, p. 42.

Mais où cette réaction contre le panmathématisme cartésien triompha pleinement; ce fut dans la démonstration newtonienne que même les mouvements purement mécaniques, si l'on ne faisait point abstraction de la gravitation, ne pouvaient être conçus qu'en supposant l'existence de quelque chose qui ne fût point de nature purement spatiale, à savoir d'une force.

Cette phase de l'évolution des conceptions scientifiques est particulièrement instructive, parce qu'elle nous montre avec une grande netteté à quoi tient, en définitive, la possibilité de la réduction spatiale. Nous avons reconnu que la déduction mathématique, pour être utilisée en physique, a pour corollaire indispensable l'interprétation, laquelle transforme la grandeur abstraite en coefficient physique. Dans la pratique courante de la science, cela est clair, cette interprétation varie dans les limites les plus vastes. Quand un chimiste écrit Na + Cl = Na-Cl et additionne des grammes de sodium et de chlore pour en déduire !e poids du sel marin qui devra résulter, il ne se sent nullement gêné par le fait qu'il s'agit de trois substances différant complètement l'une de l'autre au point de vue de leurs propriétés respectives, et que les nombres