Page:Meyerson - La déduction relativiste, 1923.djvu/295

Cette page n’a pas encore été corrigée

tout est mouvement, il négligeât la spécificité des divers mouvements que l'on est obligé de supposer si l'on entend réellement expliquer le physique, ou plutôt qu'il déclarât, par une sorte de postulat implicite, que cette spécificité n'existait point, parce qu'elle ne pouvait pas exister. Et c'est ce qui fait que ses exposés, en dépit des admirables découvertes qu'ils contiennent, notamment dans le domaine de l'optique, ont cependant pour nous si souvent l'air, là même où il prétend traiter de phénomènes physiques immédiatement observables, de se mouvoir dans une sorte d'empyrée, fort éloigné de ces phénomènes.

Pourquoi ce système, qui, grâce à l'admirable ordonnance que lui imprima le génie de son auteur, domina complètement la science européenne pendant plus d'une génération, dut-il cependant, bientôt après, être tout aussi complètement abandonné et fut-il même ensuite presque oublié? C'est, à n'en pas douter, parce que cette spécificité, négligée par Descartes, s'imposa à l'attention. Car l'expérience qui, on le sait assez, ne jouait chez lui qu'un rôle tout à fait subordonné, fut bientôt mise au premier plan. L'enseignement de Bacon y contribua beaucoup. Sans doute s'est-on fortement exagéré l'influence qu'il a exercée sur l'évolution de la science, car la science, quoi qu'on en ait dit, n'est point baconienne; tout au contraire ses schémas se rapprochent infiniment plus de ceux de Descartes que des tables dressées par l'auteur du "Novum Organon". Mais ce dernier a cependant, sur ce point particulier, en réagissant contre la toute-puissance de la déduction, incontestablement influé sur l'évolution de la physique. Et alors, tout comme les chimistes praticiens durent abandonner l'idée si logique