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constatés (1), et, d'autre part, les isotopes de M. Soddy rendent compte des écarts plus considérables. Mais bien antérieurement à cette évolution si récente, et à une époque où la persistance des éléments apparaissait certainement comme un des fondements essentiels de la chimie, surgit le "système périodique" de Mendeléieff qui, soumettant l'ensemble des éléments à une classification rationnelle, fondée sur leurs poids atomiques, affirmait par là implicitement qu'ils ne devaient point être considérés comme des substances sans relations les unes avec les autres.

1. P. Langevin, "Journal de physique", 1913, p. 584.

"Le système périodique des éléments, dit M. Planck, paraissait indiquer d'une manière précise qu'il n'existe en fin de compte qu'une espèce unique de matière" (1) et Sir Ernest Rutherford, dans sa récente adresse présidentielle à la British Association, a également insisté sur ce que la théorie de Mendeléieff « n'était explicable que si les atomes étaient des édifices semblables, construits à l'aide d'une matière semblable (2) ».

La théorie de Mendeléieff se heurta tout d'abord à des résistances très vives de la part des chimistes, mais finit tout de même par être à peu près universellement acceptée (3) témoignant ainsi éloquemment de la pérennité et de la vigueur de ce sous-courant dont nous avons parlé plus haut. Le développement vigoureux de la chimie physique, et la place de plus en plus considérable que cette science intermédiaire prenait dans l'ensemble des recherches, constituent des faits du même ordre.

Enfin, de nos jours, par suite de toute une série de découvertes appartenant aussi bien au domaine de la radioactivité qu'à celui de la physique des rayons de Röntgen, (cf. "De l'explication", I, p. 224 et 304), la vieille et fondamentale conception de l'unité de la matière triomphe ouvertement et, semble-t-il, définitivement. Sans doute les manuels enjoignent-ils encore de croire à l'existence d'éléments chimiques qualitativement divers et. à leur persistance à travers les opérations que nous mettons en oeuvre ordinairement dans nos laboratoires. Mais on se hâte de déclarer en même temps que cette diversité n'est pas absolue, que ces prétendus éléments ne sont point, en réalité, indécomposables, qu'ils ne constituent, tout au contraire, que des composés d'un petit nombre d'éléments ultimes (selon l'opinion générale d'électrons positifs et négatifs), quoique cependant des composés d'un ordre très différent de celui auquel appartiennent les substances que nous formons ou décomposons d'habitude dans nos laboratoires.

1. M. Planck, Physikalische Rundblicke, Leipzig, 1922, p. 42.

2. Sir Ernest Rutherford, "The Electrical Structure of Matter", The Times, sept. 13th., 1923, p. 161.

3. Les découvertes récentes qui, on le sait, tendent si nettement à confirmer la conception de l'unité de la matière, paraissent cependant, d'autre part, ébranler quelque peu les bases sur lesquelles Mendeléieff avait édifié sa conception, l'existence des éléments isotopes rendant difficile une classification fondée essentiellement sur la grandeur du poids atomique. En effet, comme le dit fort bien M. Berthoud, l'affirmation de l'existence d'une relation entre les propriétés d'un élément et son poids atomique, qui paraissait, après Mendeléieff, un principe indiscutable et définitivement acquis, se trouve maintenant doublement en défaut car d'une part nous voyons le poids de l'atome varier sans que ses propriétés en soient affectées et d'autre part nous rencontrons de éléments qui ont le