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même après que l'on a reconnu la vanité des prétendues transmutations, le même esprit persiste. Le phlogistique encore n'est qu'un principe porteur de qualités.

La réforme de Lavoisier a, sans doute, chassé ce fantôme du domaine de la théorie chimique. Faut-il en conclure, comme on a l'air de l'insinuer quelquefois, que cette théorie se trouve désormais débarrassée de tout ce qui a trait à la qualité? Il suffit, pour se convaincre du contraire, de cette constatation banale que le chimiste, cherchant à connaître la composition d'une substance, procède d'abord à une analyse qu'il dénomme lui-même qualitative. Et il suffit aussi d'ouvrir un manuel de chimie pour se rendre compte que ce n'est point là un terme vide de sens, que le composant que recherche cette analyse qualitative est réellement quelque chose que l'on suppose doué de qualités multiples le chrome diffère essentiellement du plomb, comme l'iode du chlore, et les noms mêmes de ces deux derniers éléments sont empruntés à des qualités qu'on leur attribue, alors que le cas du chrome (lequel, sous sa forme métallique, ressemble extérieurement au fer, le nom faisant allusion aux couleurs vives de ses sels) indique que la théorie suppose une relation étroite entre les propriétés des composés et la nature essentielle de leurs éléments (1). D'autre part, la persistance des éléments, c'est-à-dire leur conservation en tant que tels, avec les qualités qu'on leur attribuait et qu'on supposait simplement masquées, latentes, dans les composés, constituait certainement un des fondements essentiels de la chimie du XIXème siècle, et cette affirmation faisait même partie intégrante du principe de la conservation de la matière, tel qu'il était