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par hasard elle réussissait dans cette folle entreprise, on peut affirmer d'avance que l'humanité, aussitôt, se détournerait avec dégoût d'une science ainsi faite, car la science, quoi qu'on en ait dit, n'a pas pour but que l'action, elle vise la compréhension, et l'intelligence humaine ne s'y intéresse véritablement qu'à ce titre.

Cependant les attaques dont nous venons de parler, et surtout leur fréquence, leur violence et la manière point trop défavorable dont les accueille souvent l'opinion publique du milieu scientifique, nous montrent qu'il y a là aussi, dans ce désir de ne point trop s'adonner à la généralisation, de se tenir le plus près possible des faits observés, une tendance naturelle de l'esprit chercheur. C'est que s'il n'y a point de science sans raisonnement et point de raisonnement sans généralisation, c'est cependant le procédé qui consiste à accepter le donné tel que la nature nous le présente, soit spontanément, soit sollicitée par nous, et à l'étudier, c'est-à-dire à pénétrer dans le réel par l'observation et l'expérience, qui caractérise véritablement, nous venons de le dire, la science telle que la conçoivent les modernes. En ce sens. Bacon et Comte n'ont pas eu tout à fait tort dans leurs vitupérations et ont rendu service au physicien, en le prémunissant contre la tendance trop naturelle vers un abus de la déduction. Mais, bien entendu, ils sont, l'un et l'autre, allés beaucoup trop loin, et la vérité est que les deux tendances sont toutes deux légitimes, la vraie science les embrasse, les contient toutes deux, elle a besoin de l'une-et de l'autre et ne s'édifie, ne progresse que par leur concours ou, si l'on veut, par la lutte incessante qu'elles se livrent dans son sein.