Page:Meyerson - Identité et réalité, 1908.djvu/99

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

singulièrement, si nous devons en juger par des fragments de texte que nous trouvons chez M. Mabilleau, de l’antitypie de Leibniz) et aussi de gravité, cause de la chute. Bien entendu, car c’est là le fondement essentiel de toute théorie mécanique, tout fait matériel se réduit à un déplacement local[1]. Les Jaïnas, à l’encontre de Kanada, ne reconnaissent pas d’éléments divers au point de vue qualitatif, mais des atomes homogènes, comme ceux de Leucippe et de Démocrite[2]. C’est leur système surtout qui semble avoir prévalu dans la suite chez les Hindous. En Grèce, ou fait généralement dater l’atomisme de Leucippe ; mais M. Mabilleau, à juste titre, fait ressortir les nombreuses analogies qui rattachent à son système les doctrines antérieures, celles de Thaïes, d’Anaximène, d’Anaximandre, des Pythagoriciens, de Parménide et des Éléates, d’Héraclite et d’Empédocle[3]. La doctrine de ce dernier surtout, avec ses éléments immuables, qui, uniquement par le mélange et la séparation, créent les apparences de changement, prépare les voies à l’atomisme. Ritter a cru pouvoir inférer de certains textes attribués à Parménide qu’il a dû y avoir des systèmes atomistiques complets en Grèce bien avant Leucippe[4] ; c’est une supposition qui, pour nous, n’a rien d’invraisemblable. Nous connaissons mal les rapports entre Leu-

  1. Mabilleau. Ib., p. 20-23.
  2. Ib., p. 29. Nous avons, dans le texte, suivi, en ce qui concerne l’atomisme hindou, les indications de M. Mabilleau. Mais il semble que des travaux plus récents que ceux que l’auteur de l’Histoire de la phil. at. avait à sa disposition soient de nature à modifier ces données. La philologie hindoue contemporaine paraît de moins en moins portée à reculer l’âge des sources ; elle constate que nous savons peu de chose de l’Inde avant l’époque d’Alexandre. Cependant le plus ancien document que nous ayons sur les Jaïnas et qui date d’Asoka, vers 230 av. J.-C. nous les montre déjà, constituant un ordre important (Guérinot. Essai de bibliographie Jaïna. Paris, 1905, p. XXVIII), et l’on suppose que les indications fondamentales de la doctrine datent du fondateur Mahavira, qui aurait vécu au début du vie siècle avant notre ère (Ib., p. V). — Que si l’on considère au contraire l’atomisme hindou comme postérieur en date à celui des Grecs, les rapports entre l’un et l’autre se trouveront simplement renversés et les conclusions, soit que l’on suppose une parfaite indépendance des deux doctrines, soit que l’on admette une filiation entre elles, resteront celles que nous développons page 79. — Constatons aussi que, d’après certains textes (cf. notamment H. Jacobi. Eine Jaina-Dogmatik, Zeitschrift der deutschen morgenlaendischen Gesellschaft, Bd. 60, Heft 2, Leipzig, 1906, p. 515 ss. ; Warren, Les idées philosophiques et religieuses des Jaïnas. Annales du Musée Guimet, X, 1887, p. 361), il semble au moins douteux que les Jaïnas aient conçu des atomes dénués de qualités.
  3. Mabilleau, l. c., p. 63 à 136, passim.
  4. Ib., p. 149.