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priété que notre imagination se refuse à joindre à l’image mentale que nous nous faisons, une propriété qui jure avec cette image. En somme, la difficulté ici est analogue à celle que nous avons rencontrée à propos de l’atome corpusculaire : si ce dernier ne peut agir, nous ne comprenons pas davantage comment on peut agir sur l’atome dynamique. De sorte que, de ces deux systèmes, l’un représente uniquement le côté passif, et l’autre le côté actif d’un phénomène lequel, bien entendu, ne saurait être conçu que comme bilatéral.

La représentation dynamique est même, au point de vue de notre imagination, incontestablement inférieure à la représentation corpusculaire. Pour nous en convaincre, nous n’avons qu’à penser au mouvement, qui est en somme la fonction essentielle de l’atome, la seule modification dont il soit susceptible. Pour l’atome dynamique, nous avons autant de peine à nous représenter le déplacement de ce rien qui constitue son noyau que celui des forces qui l’entourent et qu’en fait nous nous figurons nécessairement comme une sorte de gigantesque toile d’araignée qui, pour chaque atome, embrasse l’univers entier. « Une force peut-elle être heurtée et déplacée d’un lieu à un autre ? » demande Spir avec beaucoup de justesse[1]. Autant le concept du déplacement paraît naturel appliqué au corpuscule limité dans son étendue, autant il semble paradoxal pour l’atome dynamique. On en arrive à concevoir comme plus simple et plus logique une variation directe de la force dynamique en fonction du temps — ce qui est, nous le verrons plus tard, un signe certain que la théorie a échoué.

Aussi ne faut-il point s’étonner que les physiciens aient généralement préféré des solutions moyennes, s’écartant davantage encore de la logique rigoureuse, mais offrant plus de prise à notre imagination. On conserve l’atome corpusculaire et on l’entoure de forces agissant à distance. Ce système composite prête évidemment le flanc à nombre d’objections formulées contre les deux systèmes extrêmes. Il se heurte, en outre, à des difficultés qui lui appartiennent en propre. Comment cet atome, être prétendu simple, peut-il être constitué par l’union de deux composants aussi hétérogènes qu’un corpuscule et des forces ? Quel peut être le lien entre l’un et les autres ? Et puis — ce qui n’est qu’une autre face du même

  1. Spir, l. c., p. 407.