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L’élasticité des molécules ne peut-elle pas être due à des mouvements des masses pondérables elles-mêmes ? Des tentatives multiples ont été faites dans cette direction. C’est ainsi que le P. Secchi a cru pouvoir fonder une explication sur une proposition de Poinsot et cette théorie qui ne se fondait, en fait, que sur une simple méprise de l’astronome italien[1], a eu depuis, auprès des philosophes, une fortune assez peu méritée[2]. Les essais de Lord Kelvin et de Hertz sont beaucoup plus remarquables. Mais dès qu’on serre le problème d’un peu près, on se heurte toujours, comme l’a constaté Boltzmann[3], à d’énormes difficultés, en ce sens que la complication des hypothèses auxiliaires et des constructions devient très grande, sans que, d’ailleurs, on soit parvenu à représenter d’une manière satisfaisante même le phénomène le plus simple. Or, la complication constitue ici un défaut rédhibitoire. L’atome, nous le sentons parfaitement, s’il doit réellement expliquer quelque chose, doit être simple. Attribuer aux atomes une construction et des mouvements compliqués, c’est, en effet, leur supposer des parties différenciées, postuler la solidarité, la cohésion de ces parties. Quand on me parle d’atomes, je ne les conçois pas distinctement et leur suppose une sorte d’unité toute idéale. Dès lors leur rigidité me choque moins, bien que, au fond, la difficulté soit la même. Mais ici je la sens du premier coup, et je m’aperçois que l’atome dur demande autant à être expliqué que l’atome élastique.

    n’adjouteray qu’une Remarque qui est que plusieurs distinguent entre les corps durs et mols, et les durs même en élastiques ou non et bâtissent là dessus des différentes règles. Mais on peut prendre les corps naturellement pour Durs-Élastiques, sans nier pourtant que l’Élasticité doit tousjours venir d’un fluide plus subtil et pénétrant dont le mouvement est troublé par la tension ou par le changement de l’Élastique. Et, comme ce fluide doit estre composé luy-même à son tour des petits corps solides élastiques entre eux, on voit bien que cette Replication des Solides et des Fluides va à l’infini. »

  1. Cf. à ce sujet Stallo. l. c., p. 29.
  2. Cf. Alfred Fouillée. Le mouvement idéaliste, Paris, 1896, p. 113. Le mouvement positiviste. Paris, 1896, p. 136.
  3. Boltzmann. Anfrage, die Hertz’sche Mechanik betreffend, Wiedemann’s Annalen. Suppl. 1889 ; id. Die Druckkraefte inder Hydrodynamik, ib. 1900 ; id. Leçons sur la théorie des gaz, trad. Galotti, vol. I, Paris, 1902, p. 3. On sait d’ailleurs que la Mécanique de Hertz, effort remarquable par son ingéniosité, est restée jusqu’à ce jour à peu près stérile, en dépit de la grande autorité qui se rattache au nom de son auteur. — Sur la tentative de Lord Kelvin, cf. sa communication dans les comptes rendus de l’Académie des sciences, vol. CIX, p. 454. Sur une constitution gyrostatique adynamique pour l’éther.