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rons dynamiques celles qui ne se servent que de force et de mouvement. Ce terme a été quelquefois employé dans un sens très différent[1], mais il suffit d’en fixer la signification. Enfin, nous ne connaissons pas de terme spécial applicable aux théories qui emploient à la fois les concepts de force et de masse.

Ce sont les hypothèses corpusculaires qui ont paru de tout temps les plus satisfaisantes au point de vue théorique. Beaucoup de théoriciens de la science ont cru, pendant une certaine période, à la possibilité de réduire tous les phénomènes aux seuls termes de masse et de mouvement. D’aucuns même croyaient cette réduction prochaine. Les tentatives récentes de grands physiciens, Lord Kelvin et Hertz, montrent que les savants n’ont pas encore abandonné tout espoir de se débarrasser de ce concept de force qui paraît à certains d’entre eux un scandale.

Il est aisé de se rendre compte d’où viennent les difficultés. Les théories corpusculaires — on le voit clairement par la théorie cinétique des gaz qui est la seule partie vraiment achevée du système — supposent l’existence de particules séparées, atomes ou molécules. C’est à dessein que nous nous sommes servis de cette expression indéterminée de particules, alors que, bien souvent, on emploie celle de particules de matière. La matière est un concept complexe ; elle a une température, une couleur, quelquefois une saveur. Les corpuscules sont dépouillés de toutes ces propriétés ; ils n’ont gardé, de la matière, que quelques caractéristiques dont la principale est la masse. Mais celle-là leur est essentielle. Il faut en effet, de toute nécessité, qu’ils puissent agir les uns sur les autres.

Cette action ne saurait s’opérer, de toute évidence, que par le choc. Cela se voit clairement dans la théorie cinétique des gaz. Mais, quoique l’Hydrodynamica de Daniel Bernoulli, où cette théorie se trouve ébauchée pour la première fois, n’ait paru qu’en 1738, on ne sera pas étonné de constater que le problème avait été agité par Leibniz et par Huygens bien avant cette époque : nous venons de voir, en effet, que l’action par le choc constitue l’élément essentiel, non pas de la théorie des gaz seule, mais de toute théorie corpusculaire. On peut ainsi se convaincre, en étudiant les écrits de ces

  1. Cf. Hertz. Gesammelte Werke, vol. III, p. 31.