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rendre compte que la question n’a pas beaucoup progressé depuis. C’est, remarquons-le en passant, ce recul manifeste de la théorie mécanique qui explique en grande partie la naissance de la tendance contraire, celle qui consiste à vouloir ramener les phénomènes mécaniques à ceux que présente l’électricité.

Même en faisant abstraction de cette évolution et en considérant le passé, récent encore, on s’aperçoit aisément qu’aux plus beaux jours de la théorie de Fresnel il ne pouvait pas être question, au fond, d’une réduction mécanique complète. C’est que si l’ondulation, le mouvement, fournissait à l’esprit une image suffisamment claire, le substrat de ce mouvement, l’éther, demeurait enveloppé des ténèbres les plus épaisses. Les difficultés et les contradictions entre lesquelles se débattent tous ceux qui ont cherché à se former une idée quelque peu précise de ce « milieu » qu’on est forcé de concevoir tantôt comme continu et tantôt comme composé de particules discrètes, à la fois comme un gaz extrêmement raréfié et comme un solide infiniment plus rigide que l’acier, ont été tant de fois exposées que nous croyons inutile d’y insister davantage[1]. Une difficulté particulière qui occupe beaucoup les physiciens depuis quelques années, est celle résultant des travaux de MM. Michelson et Morley, qu’on ne parvient pas à concilier avec la théorie de l’aberration de Bradley, de sorte qu’il est permis de dire qu’à l’heure actuelle nous ne saurions nous imaginer l’éther qui nous entoure ni comme étant en repos, ni comme suivant la terre dans son mouvement, ou plutôt que nous sommes obligés de faire alternativement l’une et l’autre supposition.

Les difficultés que nous venons d’exposer et dont on pourrait presque indéfiniment allonger l’énumération, sont, on le voit, très considérables. Mais ce serait faire fausse route que de s’en exagérer la portée. Sont-elles absolument

  1. On trouvera un exposé de ces difficultés chez Stallo, l. c., notamment p. 71 ss., et chez Hannequin, l. c., p. 178-224. Cf. aussi à ce sujet Stewart et Tait. L’univers invisible, Paris, 1883, p. 194 ss, et H. Bouasse. De la nature des explications, etc. Revue de métaphysique, vol. II. 1894, pp. 312 ss. Les maîtres de la science ont d’ailleurs eux-mêmes reconnu le caractère contradictoire de ces suppositions. Cf. Maxwell, On the Dynamical Evidence, etc. Scientific Papers. Cambridge, 1890, vol. II, p. 433 ss. et On the Dynamical Theory, ib., p. 26. Hertz, Ueber die Beziehungen zwischen Licht and Elektrizitaet, Gesammelte Werke. Leipzig, 1896, vol. Ier p. 341. H. Poincaré, Électricité et Optique. Paris, 1890, vol. Ier, p. 88 ss. La science et l’hypothèse. Paris, s. d., p. 198 ss.