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de la chimie, parmi les plus autorisés[1], après de longues et infructueuses tentatives, désespérer publiquement de toute possibilité de succès dans cet ordre d’études et chercher des solutions dans une voie toute différente.

En physique, il n’existe en réalité de théorie mécanique valable que pour les phénomènes de l’état gazeux auxquels des travaux récents permettent d’assimiler, à certains points de vue, ceux qui se produisent dans des solutions étendues. Quant aux diverses formes de l’énergie, leur unification a fait un progrès immense par les travaux de Hertz confirmant les vues si pénétrantes de Maxwell sur l’identité de l’électricité et de la lumière. Mais il s’en faut de beaucoup que la réduction des diverses formes de l’énergie au mouvement mécanique soit un fait accompli. Il y a même incontestablement un recul à cet égard. En effet, de par la théorie de Fresnel, la lumière se trouvait ramenée à des ondulations de l’éther, mouvement indéterminé à certains égards d’un milieu moins déterminé encore, mais mouvement dont on postulait expressément la nature purement mécanique. Mais, à l’heure actuelle, la lumière est un phénomène électrique. Or, à aucun moment, depuis que les phénomènes électriques fout partie de la science, on n’a rien formulé qui pût, de près ou de loin, passer pour une théorie mécanique consistante de ces phénomènes. Ce n’est pas faute de l’avoir cherché. Un des plus grands théoriciens de la science de tous les temps, Clerk Maxwell, a, comme on sait, consacré des efforts incessants à cette tâche. Il s’est donné une peine infinie pour établir dans chaque cas la possibilité d’une explication mécanique. Mais, bien souvent, il a dû arrêter là son effort et quand, au contraire, il a tenté de préciser ses idées, il n’a abouti qu’à des images contradictoires M. Poincaré, qui est sans doute, parmi les vivants, le juge le plus compétent en cette matière, a nettement exposé, en dépit de sa profonde admiration pour Maxwell, l’hésitation que tout esprit logique éprouve forcément devant cette partie de l’œuvre du grand théoricien[2]. On n’a d’ailleurs qu’à ouvrir un livre plus récent, tel que celui de M. O. Lodge[3] et à considérer les modèles mécaniques, d’ailleurs extrêmement ingénieux, proposés par cet éminent physicien, pour se

  1. Ostwald. Lettre sur l’énergétique. Revue générale des sciences, 30 décembre 1895, p. 1071.
  2. H. Poincaré. Électricité et Optique. Paris, 1901, p. III et ss.
  3. O. Lodge. Les théories modernes de l’électricité. Paris, 1891.