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Traube, de A. L. Herrera, de M. St. Leduc[1], nous commençons à entrevoir de vagues analogies entre la matière brute et la matière vivante. Ce qui a été fait est véritablement peu de chose, en regard de ce qui reste à faire. À vrai dire, c’est à peine si l’on peut distinguer, dans les doctrines physiologiques actuelles, les traces les plus faibles d’explications mécaniques. Que l’on y songe : Voici deux germes entre lesquels l’examen microscopique le plus minutieux n’est pas capable de découvrir la moindre différence ; et pourtant, l’un est un germe d’homme et l’autre un germe de chat. Or, il faut bien que les différences y soient. Et il faut même que pour deux hommes qui, chacun, ressembleront à leur père, toutes les particularités de leur évolution ultérieure, les différences infiniment ténues qui les distingueront l’un de l’autre, s’expliquent par des arrangements mécaniques dans ces germes.

Ces difficultés ont été maintes fois exposées et Ed. von Hartmann, dans un de ses derniers mémoires, en a donné un excellent résumé[2]. Mais, dans la science inorganique même, que d’illogismes ! Sans doute, il est question dans presque tous les chapitres d’atomes et de molécules. Mais on s’abuserait en croyant qu’il s’agit, sous ces noms, d’un chapitre à l’autre, de conceptions identiques ou même très analogues. Ainsi, la chimie, depuis Dalton et Avogadro, paraît être, à première vue, le champ d’élection des théories mécaniques. On y parle sans cesse de ces atomes et de ces molécules, et même de formules de « constitution », prétendant indiquer leur arrangement dans l’espace. Mais c’est pure apparence. L’atome chimique, avec ses multiples et mystérieuses qualités qui, tout aussi mystérieusement, en engendrent d’autres dans la molécule, a peu de commun, hormis le nom, avec l’atome de la théorie mécanique dont la caractéristique essentielle est de ne posséder qu’une seule propriété, la masse, et de ne connaître qu’un seul mode d’action. C’est à peine si les travaux les plus récents, se rattachant à la théorie des ions de M. Svante Arrhénius, font entrevoir la possibilité d’une transition (sinon d’une conciliation) entre ces concepts antagonistes. Et ce contraste est tellement choquant qu’on a vu un des théoriciens

  1. Stéphane Leuduc. Les lois de la biogenèse. Revue Scientifique. 24 fév. et 3 mars 1906.
  2. Ed. von Hartmann. Mechanismus und Vitalismus in der modernen Biologie. Arkiv fuer systematische Philosophie, IX. 1903.