Page:Meyerson - Identité et réalité, 1908.djvu/63

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cette action mutuelle des astres et cette pesanteur des corps terrestres : une tentative quelconque à cet égard serait de toute nécessité profondément illusoire aussi bien que parfaitement oiseuse ; les esprits entièrement étrangers aux études scientifiques peuvent seuls s’en occuper aujourd’hui[1]. » « Tous les bons esprits reconnaissent aujourd’hui que nos études réelles sont strictement circonscrites à l’analyse des phénomènes pour découvrir leurs lois effectives, c’est-à-dire leurs relations constantes de succession ou de similitude et ne peuvent nullement concerner leur nature intime, ni leur cause première ou finale, ni leur mode essentiel de production[2]. » Même si nous sommes appelés à formuler des suppositions, des hypothèses, elles doivent avoir pour unique objet une règle empirique encore inconnue : « Toute hypothèse physique, afin d’être réellement jugeable, doit exclusivement porter sur les lois des phénomènes et jamais sur leur mode de production[3] »

À M. Mach aussi « l’économie d’effort » apparaît comme le but unique et définitif de la science. Il a appliqué avec beaucoup de rigueur ce principe à l’exposé de divers chapitres de la physique, et il a insisté particulièrement sur cette conception que la science ne saurait être que descriptive. Indépendamment de lui, un des plus grands physiciens du xixe siècle, Kirchhoff, a soutenu la même idée. L’un et l’autre paraissent d’ailleurs avoir ignoré Comte qui exprime, nous venons de le voir, des vues très analogues[4].

L’attitude de Comte à l’égard des théories explicatives aboutit à les retrancher entièrement de la science. Le créateur du positivisme n’a pas reculé devant cette conséquence. C’est en partant de ce point de vue qu’il en arrive à nier que la théorie de l’ondulation, si magnifiquement développée par son grand contemporain Fresnel, ait exercé une influence quelconque sur le développement de l’optique[5]. Mais cette solution radi-

  1. Comte. Ib., vol. II, p. 169.
  2. Ib., vol. II, p. 298.
  3. Ib., vol. II, p. 312.
  4. L’analogie entre les opinions de Comte d’une part et de Kirchhoff et de M. Mach d’autre part, a été mise en lumière par M. Kozlowski (Psychologiczne Zrodla, Varsovie, 1899, p. 30 ; Przeglad filozoficzny, Varsovie, 1906, p. 193).
  5. Comte, l. c., vol. II, p. 442. Dans d’autres cas, pourtant, Comte a formulé des opinions moins tranchées. Ainsi, s’il rejette l’éther, il admet la théorie corpusculaire de la matière qu’il proclame une « bonne hypothèse » (Cours, VI, p. 641). Il est probable qu’en cette circonstance Comte a obéi