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indéfiniment son mouvement dans une direction quelconque, sur une surface sphérique, concentrique à la terre ? (Galilée. Opere. Florence, 1842, vol. III, p. 418).

Évidemment, il eût suffi que Képler adoptât ces vues, pour n’avoir plus besoin des étranges théories de l’Epitome. Faut-il donc supposer que ces dernières avaient acquis sur son esprit une puissance telle qu’il était devenu inaccessible à des considérations qui nous paraissent, actuellement, d’une évidence si manifeste ? Ce qui est certain, c’est que, même dans l’œuvre de Képler postérieur à l’Epitome, rien ne permet de conclure qu’il ait, à un moment donné, changé d’opinions en ce qui concerne les phénomènes du mouvement. Il est vrai que la dernière partie de sa vie fut plus particulièrement troublée par des circonstances extérieures : il est mort en 1630, c’est-à-dire avant la publication des Discorsi de Galilée.

Auguste Comte désignait habituellement le principe d’inertie comme la « loi de Képler » (cf. par exemple Cours, vol. VI, p. 682) et cette attribution n’a pas encore complètement disparu de l’histoire de la physique. L’erreur, semble-t-il, a été due en grande partie à ce que les termes dont s’est servi Képler (inertia, Traegheit en allemand) sont restés dans la science. Mais cette inertia qui est la propriété de la matière de demeurer dans l’endroit où elle se trouve, une tendance au repos, ayant besoin, pour être vaincue, de forces toujours renouvelées, était une conception fort différente de nos idées actuelles.

Ce qui a sans doute favorisé la confusion, c’est que Leibniz a déclaré, à plusieurs reprises, que le concept d’inertie était dû à Képler et que Descartes l’avait emprunté à ce dernier. Leibniz ayant certainement eu une notion très nette de ce que nous appelons actuellement le principe d’inertie, il semblait logique d’en conclure qu’il l’avait retrouvé dans les écrits de Képler. Mais en réalité il voulait dire tout autre chose. Cela appert du plus explicite des passages où il soit question de cette attribution : Duae insunt Resistentiae sive Massae : primum Antitypia ut vocant seu impenetrabilitas, deinde remleiitia seu quod Keplerus vocat corporum inertiam naturalem quam et Cartesius in Epistolis alicubi ex eo agnovit, ut scilicet novum motum non nisi per vim recipiant corpora adeoque imprimenti resistant et vim ejus infringant. Quod non fieret, si in corpore praeter extensionem non inesset τὸ δυναμικὸν seu principium legum motus quo fit ut virium quantitas augeri non possit neque adeo corpus ab alio nisi refracta ejus vi queat impelli. (Supplément à la lettre à Fabri. Mathematische Schriften, éd. Gerhardt, vol. VI, p. 100).

Ainsi, ce que Leibniz entend attribuer à Képler, c’est la notion de l’inertie en tant que synonyme de masse. Cette affirmation est certainement en grande partie justifiée. Képler a fréquemment exposé que par suite de son inertia la matière résistait à la force