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rotation, fait mouvoir les planètes. C’est là d’ailleurs évidemment, remarquons-le en passant, la raison pour laquelle Képler hésite à assimiler entièrement la rotation terrestre à celle d’une toupie : c’est que celle-ci aboutit à un effet opposé ; au lieu d’entraîner les corps avec elle, elle les rejette. Si l’on veut savoir à quel point la théorie de Képler diffère de la nôtre, non seulement par les causes que l’une et l’autre mettent en jeu, mais par les phénomènes qui doivent en résulter, on n’a qu’à se référer à l’exemple donné par Képler lui-même : celui d’une pierre qui, des profondeurs de l’espace, arriverait sur la terre (Képler, dans ce cas comme dans bien d’autres, s’occupe uniquement de la rotation terrestre, en négligeant la révolution). Le mouvement supposé est bien étrange à notre point de vue actuel : la pierre qui tend d’abord en ligne droite vers le centre de la terre, subit en s’approchant une déviation de plus en plus grande, dans le sens de la rotation, jusqu’à ce que, à un moment donné, elle soit entraînée complètement dans celle-ci et finisse par tomber verticalement sur un point de la surface terrestre (cf. la figure, ib., p. 182).

Involontairement, devant ces conceptions, on se dit qu’il était grand temps que Galilée et Descartes vinssent tirer d’embarras les Coperniciens. On sent grandir son admiration pour les auteurs de la théorie héliocentrique qui surent, à travers ces ténèbres, distinguer la vérité, et pour leurs adhérents sur l’esprit de qui des arguments principalement astronomiques, c’est-à-dire en somme basés sur des considérations de simplicité, eurent assez de pouvoir pour leur faire négliger de graves difficultés physiques. Mais on juge peut-être aussi avec un peu plus d’indulgence l’attitude de ceux qui ne se sentirent point le courage d’adopter ces nouveautés.

Constatons d’ailleurs que Képler ne paraît avoir aucunement subi l’influence de Galilée, ce qui est assez étrange si l’on rapproche les dates.

L’Epitome astronomiæ copernicanæ, auquel appartiennent nos citations, est de 1618. Galilée semble avoir conçu la décomposition du mouvement du jet horizontal dès 1610 : la théorie s’en trouve indiquée, au moins partiellement, dans le traité portant le titre Istoria e dimostrazioni intorno alle macchie solari, publié en 1613, et d’autres communications paraissent, vers cette époque ou peu après, avoir circulé parmi les savants (cf. Wohlwill, l. c., XV, p. 267). Or Képler a certainement suivi avec beaucoup d’attention les travaux et découvertes de Galilée. Dès 1597, il était entré en correspondance avec lui (éd. Frisch, vol. I, p. 40-41) et il nous reste cinq lettres de Képler datant des années 1610 et 1611, ainsi que les réponses de Galilée (ib., vol. II, p. 454 ss.). Se peut-il qu’il ait ignoré que ce dernier, dans le traité que nous avons mentionné, avait nettement exposé qu’un corps conserverait