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commodité de cette conception au point de vue du calcul et qu’il ait décerné de grands éloges à son auteur (Rosenberger. Geschichte, vol. I, p. 135).

Les idées de Képler en cette matière sont également fort curieuses. Képler avait une vive admiration pour l’auteur de la théorie héliocentrique et, à chaque occasion, se réclamait hautement de lui ; mais cela n’a pas empêché qu’il ait profondément modifié un des traits principaux de sa doctrine, en substituant aux cercles des ellipses. Il en a modifié aussi le fondement mécanique.

Il se peut d’ailleurs que ces deux changements soient en étroite corrélation. En effet, la conception du mouvement circulaire naturel était issue des idées sur la vertu particulière de la figure du cercle, considérée comme simple et parfaite. Or, il était malaisé d’attribués à l’ellipse les mêmes privilèges, on ne pouvait donc prétendre que les corps s’y mouvaient naturellement.

Pour Képler, tout corps a une tendance à demeurer à l’endroit de l’espace où il se trouve, tendance indépendante du mouvement dont il est doué. Les passages où il applique cette théorie aux corps célestes sont extrêmement nombreux. Citons-en quelques-uns particulièrement probants : Tertius interveniens, Opera omnia, éd. Frisch. Francfort, 1870 (vol. I, p. 590) : « Für mein Person sage ich, dass die Sternkugeln diese Art haben, dass sie an einem jeden Ort des Himmels, da sie jedesmal angetroffen werden, stillstehen würden, wann sie nicht getrieben werden solten. Sie werden aber getrieben per speciem immateriatam Solis, in gyrum rapidissime circumactam. Item werden sie getrieben von jhrer selbst eygnen Magnetischen Krafft, durch welche sie einhalb der Sonnen zu schiffen, andertheils von der Sonnen hinweg ziehlen ». — Epitome Astronomiæ Copernicanæ, ib., vol. VI, p. 341 : [Globus aliquid cœlestis] habet tamen ratione suæ materiæ naturalem ἀδυναμίαν transeundi de loco in locum, habet naturalem inertiam seu quietem, qua quiescit in omni loco, ubi solitarius collocatur.Ib., ib., p. 345 : Dictum est hactenus, præter hanc vim Solis vectoriam esse etiam naturalem inertiam in planetis ipsis ad motum, qua fit, ut inclinati sint, materiæ ratione, ad manendum loco suo. Pugnant igitur inter se potentia Solis vectoria et impotentia planetæ seu inertia materialis.

Ainsi donc, l’inertia, si elle pouvait prévaloir, ferait cesser le déplacement d’un corps qui se trouve en mouvement et l’amènerait au repos : elle est repugnans motui et constitue, comme Képler la définit lui-même avec précision, une causa privativa motus (ib., p. 174).

Ce qu’il faut encore remarquer particulièrement dans les citations que nous venons de faire, c’est que, chez Képler, cette propriété n’est pas limitée aux corps célestes ; au contraire elle ne leur appartient que parce qu’ils sont composés de matière, materiæ ratione ; en d’autres termes, c’est une propriété générale