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l’exemple du navire ; il cite à ce propos un vers de Virgile, citation très appropriée, car le poète y dépeint la sensation immédiate, évidemment trompeuse dans ce cas : Provehimur portu, terraeque urbesque recedunt. (De revolutionibus. Thorn, 1873, p. 22). Il arrive ainsi à réfuter le témoignage de nos sens en ce qui concerne la réalité du mouvement : Quamquam in medio mundi terram quiescere inter autores plerumque convenit, ut inopinabile putent, sive etiam ridiculum contrarium sentire. Si tamen attentius rem consideremus, videbitur haec quaestio nondum absolutay et idcirco minime contemnenda. Omnis enim quae videtur secundum locum mutatio, aut est propter spectatae rei motum, aut videntis, aut cette disparem utriusque mutationem. Nam inter mota aequaliter ad eadem, non percipitur motus, inter visum dico et videns. (Ib., p. 16.)

On pourrait supposer que Copernic avait conscience qu’il s’agissait, en l’espèce, d’un mouvement particulier, de ce que nous appelons le mouvement inertial ; l’expression mota aequaliter ad eadem semble autoriser en quelque sorte une interprétation de ce genre (la version allemande de Menzzer, Thorn, 1877, traduit ad eadem par in gleicher Richtung, ce qui est un peu plus précis que le texte latin et semble se rapprocher encore davantage de nos conceptions actuelles). Mais il est clair, par le contexte, que Copernic a voulu dire tout simplement que, si l’observateur et l’objet observé ne sont pas doués du même mouvement, comme il y a déplacement relatif, le mouvement devient évident. Non seulement il ne faisait, à ce point de vue, aucune différence entre les mouvements rectiligne et curviligne, mais ce dernier, dans certains cas, lui apparaissait comme privilégié, c’est lui surtout qui donnait la sensation du repos : Igitur quod ainnt simplicis corporis esse motum simplicem (de circulari in primis verificatur), quamdiu corpus simplex in loco suo naturali ac unitate sua permanserit. In loco siquidem non alius, quam circularis est motus, qui manet in se totus quiescenti similis. Rectus autem supervenit iis, quae a loco suo naturali peregrinantur, vel extruduntur, vel quomodolibet extra ipsum sunt. Nihil autem ordinationi totius et formae mundi tantum repugnat, quantum extra locum suum quidquam esse. Rectus ergo motus non accidit, nisi rebus non recte se habentibus, neque perfectis secundum naturam, dum separantur a suo toto et ejus deserunt unitatem. (Ib., p. 23.)

Il semble qu’il ne soit pas trop malaisé de se rendre compte comment Copernic fut amené à concevoir ces théories. Le principe du mouvement relatif tel que nous l’avons énoncé est, en soi, une conception passablement paradoxale ; non seulement, comme nous l’avons dit, il est impossible d’en tirer une mécanique, mais il est contredit par des faits d’expérience vulgaire, tels que la pierre placée dans une fronde. Sans doute, rien n’indique que Copernic se soit livré à une étude plus approfondie des mouvements des corps terrestres ; mais nous savons qu’il a dû se préoccuper, à