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historique. Il faudrait, en effet, logiquement que le principe d’inertie fût antérieur, dans le temps, à la théorie héliocentrique ou que les deux eussent été, au moins, énoncés simultanément. Or, M. Bosenberger lui-même attribue le principe d’inertie à Galilée. Quelles pouvaient donc être, à cet égard, les opinions de Copernic lui-même et de ceux qui ont adhéré à sa doctrine, dans l’intervalle qui sépare l’apparition du De revolutionibus (1543) des publications de Galilée et même, selon nous, on l’a vu, à certains égards de celles de Descartes ? Les historiens de la physique, en parlant des hommes de l’époque en question, ne semblent pas avoir projeté, sur cette matière, toute la clarté désirable.

C’est sans doute parce qu’il a eu conscience de cette difficulté que M. Painlevé a formulé une curieuse théorie sur l’origine du principe d’inertie (Bulletin de la Société française de philosophie, 5e année, 1905, p. 36-37). L’éminent mathématicien suppose que Copernic et les Coperniciens concevaient bien le principe dans sa généralité ; s’ils ne l’ont pas énoncé, c’est uniquement à cause du danger matériel qu’aurait présenté une telle affirmation. Il semble bien, cependant, que dans les discussions théologiques qui ont surgi à propos de ces théories (comme par exemple dans le procès de Galilée) il soit à peu près uniquement question du mouvement de la terre. Postérieurement à la condamnation de Galilée, Descartes, dont on connaît la prudence, énonce le principe d’inertie sans, apparemment, avoir le moins du monde conscience d’émettre une opinion téméraire au point de vue religieux ; alors qu’en parlant du mouvement de la terre il use au contraire de précautions infinies.

Nous croyons, néanmoins, qu’il y a dans la théorie de M. Painlevé une grande part de vérité, que Copernic et ses successeurs immédiats se sont réellement appuyés sur un principe implicitement entendu et relatif au mouvement. Toutefois, ce principe n’était pas notre principe d’inertie, mais un énoncé beaucoup moins précis et d’ailleurs en partie erroné qu’on pourrait appeler le principe du mouvement relatif.

Constatons d’abord que, chez Copernic, les corps stellaires ne sont nullement mus par l’inertie. Nous avons mentionné dans le texte son opinion au sujet du mouvement circulaire naturel et de l’absence de force centrifuge résultant de la rotation de la terre. On peut citer, dans le même ordre d’idées, ce qu’il dit au sujet du fameux « troisième mouvement » de l’axe terrestre. Copernic, apparemment, eût considéré comme naturel que l’axe de la terre décrivit un cône autour de l’axe de l’écliptique : il crut donc devoir doter la terre, en dehors des deux mouvements de rotation et de révolution, d’un autre mouvement encore, destiné à maintenir son axe dans la même inclinaison par rapport au plan de l’écliptique : Sequitur ergo tertius declinationis motus annua quoque revolutione, sed