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besoin, pour se manifester en action, de l’accession d’une force élastique. Cela se voit par le passage précité de la Lettre à Wagner et, plus clairement encore, par la suite du Supplément à la lettre à Fabri où il déduit que tout corps est essentiellement élastique. Mais cette vis elastica n’est pas la force ou entéléchie elle-même ; elle doit s’expliquer par cette force (qu’il appelle cette fois force active) et le mouvement : quæ ex motu, adeoque et vi activa materiæ superaddita, derivari debet, ajoute-t-il dans la Lettre à Wagner après les mots : vis elastica, et dans le Supplément à la lettre à Fabri il dit de même (l. c., p. 103) : Hinc autem intelligitur, etsi admittatur vis illa primitiva seu Forma substantiæ…, tamen in vi elastica aliisque phenomenis explicandis semper procedendum esse Mechanice, nempe per figuras quæ sunt modificationes materiæ, et per impetus qui sunt modificationes formæ, — le terme mechanice ayant ici, comme généralement chez Leibniz, la signification : par l’action de contact, c’est-à-dire à l’exclusion de l’action à distance ; quelquefois cependant il s’en sert pour indiquer ce qui a trait à la matière première ou nue seule, comme quand il dit (Commentatio de anima brutorum, Erdmann, p. 463) : Itaque pro certo habendum est, ex solo mechanismo, seu materia nuda, ejusque modificationibus perceptionem explicari non posse, non magis, quam principium actionis et motus. Il y a là évidemment un certain flottement de la nomenclature qui a contribué au malentendu dont nous avons parlé. (Sur le double concept de la masse chez Leibniz, cf. aussi E. Cassirer, l. c., p. 333-342, 515).

Le passage que nous venons de citer en dernier lieu montre en outre que Leibniz rattachait également à ce concept de force la perception ainsi que l’âme des animaux. C’est un point de vue sur lequel il insiste beaucoup dans la plupart des écrits que nous avons mentionnés au cours de cet Appendice. Nous avons quelquefois dû tronquer les citations, en remplaçant par des points tout ce qui se rapporte à cet aspect de la question afin de ne pas gêner notre déduction. L’exposé le plus clair s’en trouve dans la Lettre à Wagner : Respondeo tertio : Hoc principium activum, hanc Entelechiam primam, esse revera principium vitale, etiam percipiendi facultate præditum, et indefectibile, ob rationes dudum a me allegatas. Idque ipsum est, quod in brutis pro anima ipsorum habeo. Si l’on fait attention que Leibniz dans le Système Nouveau (cf. p. 285 et 408), en introduisant la notion de force, la déclare, sans autre explication, « très intelligible quoi qu’elle soit du ressort de la Métaphysique » — dans un passage analogue du traité De primæ philosophæ emendatione (Erdmann, p. 122), il ajoute après les termes vis seu virtus la parenthèse : « quam Germani vocant Kraft Galli la force », ce qui montre bien qu’il fait appel non pas à une abstraction savante mais à une notion du sens vulgaire, — on arrive à la conclusion que Leibniz pensait à ce que nous appelons la sensation d’effort. Dès