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à Fabri (déjà cité, p. 100). « Porro τὸ δυναμικὸν seu potentia in corpore duplex est. Passiva et Activa. Vis passiva proprie constituit Materiam seu Massam, Activa ἐντελέχειαν seu formam. » La même distinction entre la puissance passive et active de la matière apparaît dans la Lettre à Wagner, (1710, Erdmann, p. 466, § 11) : « Respondeo primo, principium activum non tribui a me materiæ nudæ sive primæ, quæ mere passiva est, et in sola antitypia et extensione consistit ; sed corpori seu materiæ vestitæ sive secundæ, quæ praeterea Entelechiam primitivam seu principium activum continet. » La suite explique encore plus clairement cette distinction : « Respondeo secundo, resistentiam materiæ nudæ non esse actionem, sed meram passionem, dum nempe habet antitypiam, seu impenetrabilitatem, qua quidem resistit penetraturo, sed non repercutit, nisi accedat vis elastica. » De même encore la Commentatio de anima brutorum porte : « Materia in se sumta seu nuda constituitur per Antitypiam et Extensionem. Antitypiam voco illud attributum, per quod materia est in spatio… Et proinde admittendum est aliquid præter materiam quod sit… principium… motus seu actionis externæ. Et tale principium appellamus substantiale, item vim primitivam ἐντελέχειαν τὴν πρώτην… quod activum cum passivo conjunctum substantiam completam constituit » (Erdmann, p. 463).

Ce principe actif apparaît en outre comme une grandeur intensive, cause du changement dans la nature : Activum vel Potentia præditum est Thema (vel rerum status) ex quo sequetur mutatio certis quibusdam praeterea positis inertibus, seu quæ talia sunt, ut ex ipsis solis positis utcunque nulla mutatio sequatur (Cassirer. Leibniz’ System. Marburg, 1902, p. 336). Il est le principe qui crée les lois du mouvement puisqu’il est cause que la somme des forces vives ne saurait augmenter, un corps ne pouvant en pousser un autre qu’aux dépens de sa propre force, ainsi qu’il appert de la suite du Supplément à la lettre à Fabri (nous citons ce passage dans l’Appendice III, à propos du concept d’inertie chez Képler, p. 425).

Ainsi la différence entre la conception moderne de la masse et celle de Leibniz est en ce que, nous servant de ce terme, nous pensons à la fois au côté passif et au côté actif du phénomène : alors que Leibniz, quoiqu’il eût conscience, bien entendu, que les deux sont inséparablement liés (voir plus haut le passage de la Lettre sur la question, etc.) » les séparait cependant par la pensée et appelait la faculté de pâtir seule antitypie, impénétrabilité ou masse, l’attribuant à la matière première ou nue, alors que la faculté d’agir était pour lui la forme, entéléchie ou force et constituait, ajoutée à la première, la matière vêtue. En supposant des corps qui fussent doués de l’antitypie seule, ç’auraient été en quelque sorte des corps durs, mais privés de toute élasticité ; ces expressions ne sont pas justes, en ce sens que le concept de dureté inclut pour nous une faculté d’agir, alors que Leibniz pensait réellement à une sorte de dureté purement passive, ayant