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la passion. » Antérieurement déjà, dans la Réplique à l’abbé de Conti (1687, éd. Dutens, vol. III, p. 199) il affirme « qu’il faudra admettre dans les corps quelque chose de différent de la grandeur et de la vitesse, à moins qu’on veuille refuser aux corps toute la puissance d’agir ». De même, dans le De primæ philosophiæ emendatione et de notione substantiæ (paru en 1694, Erdmann, p. 122), après avoir insisté sur sa notion de substance, il poursuit : « Quod illi non satis percepisse videntur, qui essentiam ejus [sc. corporis] in sola extensione… collocaverunt. » Dans la courte Lettre à un ami sur le cartésianisme on lit : « C’est depuis quelque temps que j’ai des démêlés avec Messieurs les Cartésiens… Car quoique je demeure d’accord que le détail de la nature se doit expliquer mécaniquement, il faut, qu’outre l’étendue on conçoive dans le corps une force primitive, qui explique intelligiblement tout ce qu’il y a de solide dans les formes des écoles. » (Erdmann, p. 123). De même il dit dans le Supplément à la lettre à Fabri (daté de 1702, Mathem. Schriften, éd. Gerhardt, vol. VI, p. 98) : « Nempe corporis essentiam Cartesiani collocant in sola extensione, ego vero, etsi cum Aristotele et Cartesio contra Democritum Gassendumque Vacuum nullum admittam… puto tamen cum Democrito et Aristotele contra Cartesium aliquid in corpore esse passivum præter extensionem, id scilicet quo corpus resistit penetrationi. » De même encore, dans la Commentatio de anima brutorum (1710, Erdmann, p. 463), il revient sur l’idée que l’étendue seule ne suffit pas à la conception du corps.

Mais du moment que cette « notion supérieure métaphysique » de « substance, action et force » doit en première ligne différencier le corps de l’espace et que, d’autre part, comme nous l’avons vu, aucune action à distance ne doit être admise, il reste donc qu’elle soit un principe d’action se manifestant au contact, en d’autres termes un synonyme de notre notion de masse, bien entendu telle que celle-ci est comprise par les physiciens qui excluent l’action à distance. Ce qui paraît contredire cette conception et a sans doute été une des principales sources d’erreur pour les commentateurs, c’est que Leibniz semble quelquefois déclarer que la notion de masse ne suffit point. Le passage en apparence le plus concluant à ce point de vue se trouve dans le Système Nouveau de la Nature (1695, Erdmann, p. 124) : « Mais depuis ayant tâché d’approfondir les principes mêmes de la Mécanique, pour rendre raison des loix de la Nature que l’expérience faisoit connoître, je m’aperçus que la seule considération d’une masse étendue ne suffisoit pas et qu’il fallait employer encore la notion de la force, qui est très-intelligible quoiqu’elle soit du ressort de la Métaphysique. »

La difficulté se résout si l’on prend garde que le terme de masse n’a pas ici la même signification que dans la mécanique moderne. Cela ressort clairement du passage suivant (Supplément à la lettre