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APPENDICES


I

LEIBNIZ, NEWTON ET L’ACTION À DISTANCE

Dès que Newton eut découvert la loi de la gravitation universelle, la question de l’action à distance se trouva posée et fut aussitôt agitée ; elle donna lieu à des querelles acerbes et retentissantes (voir par exemple, dans le Recueil de lettres entre Leibniz et Clarke, 1er écrit, § 1, et 5e écrit § 114, des allusions qui ont un fâcheux air d’appel au bras séculier — mais il n’est que juste de constater que Leibniz avait été précédé dans cette voie par les newtoniens, Cotes, dans sa fameuse préface aux Principes, ayant déclaré que la recherche des causes de la gravitation était un signe d’athéisme).

Il est d’autant plus curieux que des doutes aient pu surgir sur les véritables opinions des protagonistes. Newton était-il vraiment « newtonien », comme on disait au xviiie siècle ? N’a-t-il pas au contraire désapprouvé au fond l’hypothèse d’une action à distance, formulée par ceux qui se réclamaient de lui ? Leibniz qui « est parti d’un système dans lequel il rejetait l’attraction », n’a-t-il pas changé d’avis, en arrivant « à partager sur la nature de cette vertu, l’opinion des disciples immédiats de Newton », comme le formule M. Duhem (L’évolution de la mécanique, p. 39) ? Il est certain que les divers textes qu’on cite sont susceptibles d’interprétations de ce genre. Il nous semble cependant qu’à considérer dans leur ensemble les opinions de ces deux grands hommes, on arrive à confirmer la manière devoir des contemporains.

1o Leibniz. — Remarquons d’abord que si l’on tient à ce qu’il ait changé d’avis, ce ne pourra pas être dans le sens que nous venons d’indiquer. En effet, c’est surtout dans les œuvres de son âge mûr (après 1700) qu’il se prononce, avec une netteté qui ne laisse rien à désirer, contre les idées newtoniennes. Ainsi dans les Nouveaux Essais, datant de 1703, il dit : « On peut juger que