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mordial que nous avons l’air de poursuivre nous échappe toujours et se résout finalement dans l’espace : c’est un processus dont nous avons suffisamment établi la légitimité, il est en corrélation étroite avec la tendance qui nous guide dans ces recherches, puisqu’il découle directement d’un principe qui est l’analogue, la continuation logique de celui de causalité proprement dit.

Après les théories atomiques, ce sont les principes de conservation qui constituent la manifestation la plus importante de la causalité dans la science. Peut-on supposer qu’il y a un lien intime entre ces énoncés et la légalité ; en d’autres termes, le fait même que nous pouvons soumettre les événements aux calculs n’exige-t-il pas que certaines expressions restent constantes ? C’est là ce que semble affirmer M. Milhaud ; mais cette thèse, loin d’être évidente, nous paraît au contraire très difficile à établir. Il est bien entendu que, pour étudier un phénomène, nous sommes obligés de le sortir artificiellement du grand Tout, de l’isoler, de le rendre aussi « pur » que faire se pourra ; nous ne suivons, dans la mesure du possible, que la variation d’un seul élément à la fois, en supposant que, pendant ce temps, tous les autres restent sans changement. Mais il ne s’ensuit pas que les éléments dont nous supposons momentanément la constance soient réellement immuables ; nous avons au contraire le sentiment très net que le phénomène « pur » que nous créons ainsi est une abstraction, que le phénomène naturel est infiniment complexe, et tout à l’heure, quand nous passerons à des phénomènes d’un genre différent, au chapitre voisin de la science, ce que nous posions comme constant nous apparaîtra comme variable et vice versa. Si, en mécanique, m apparaît comme constant, cela veut dire tout simplement que nous étudions les mouvements des corps en admettant que, pendant la durée des phénomènes dont nous nous occupons, la masse ne variera pas ou, ce qui revient au même, en supposant qu’il existe des phénomènes purement mécaniques. Nous ne nous occupons donc pas de l’état calorique, électrique ni chimique des corps dont nous traitons, nous le posons comme invariable. Mais, en réalité, nous ne doutons pas un seul instant que le phénomène mécanique ne soit accompagné de phénomènes caloriques, électriques ou chimiques. Et il ne s’ensuit aucunement que, quand nous étudierons à leur tour ces phénomènes, m doive encore rester constant. S’il en était autrement, on pourrait démontrer