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d’exposant une dignité particulière ; il la déclare essentielle, alors que la plupart des autres ne seraient qu’accidentelles. Il nous semble qu’on ne peut trouver à cette distinction d’autre fondement que le fait qu’il existe, dans le premier cas, une interprétation spatiale possible.

Nous allons maintenant, à la lumière des résultats acquis au cours de ce travail, retourner à notre point de départ et aborder encore une fois l’important problème que nous avons traité au début, celui des rapports entre les deux principes de légalité et de causalité. Nous avions alors établi que le second ne saurait se déduire du premier, et ce que nous avons appris depuis n’a pu que confirmer cette conclusion. Le principe de légalité, en effet, domine la science tout entière ; à mesure que la science étend son domaine, celui de la légalité s’accroît, puisque les limites des deux coïncident. Il n’en est pas de même du principe de causalité scientifique qui est une forme du principe d’identité. En postulant l’intelligibilité de la nature, il aboutit à sa destruction complète.

Nous venons cependant de constater que la nature se plie aussi aux exigences du principe causal, qu’il y a là une harmonie, partielle il est vrai, mais pourtant réelle. Ne se pourrait-il pas que ces deux constatations n’en fissent en réalité qu’une seule ? Que l’obéissance totale à la légalité et l’obéissance partielle à la causalité fussent au fond une seule et même chose ou du moins s’entraînassent l’un l’autre ? Pour poser le problème sous une forme un peu différente, le fait même de l’existence de règles ne peut-il pas avoir pour corollaire que certains concepts, certaines expressions, doivent rester constants ? Bien des penseurs semblent avoir admis, plus ou moins explicitement, qu’on doit répondre affirmativement à cette question et c’est là encore, croyons-nous, une des sources d’où découle la confusion entre les deux principes de légalité et de causalité. Assurément, cette confusion est impossible si l’on prend le principe de causalité dans son sens strict : il postule en effet la conservation de tout, alors que la légalité stipule le changement. Mais c’est que nous ne saurions appliquer un seul instant la causalité avec cette rigueur. La nature existe, et ce fait seul suffit pour nous en empêcher. Donc, tout en prétendant faire profession de foi