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inclure les théories électriques, et en se rappelant que la causalité de l’être, si proche parente de la causalité du devenir, exige que les particules élémentaires soient faites d’une matière unique et que celle-ci ne possède qu’un minimum de qualités, de manière à pouvoir être dans une certaine mesure confondue avec l’espace ou son hypostase, l’éther. Non pas que cette réduction soit réellement possible, ni que nous puissions croire que cet atomisme constitue l’essence des choses, ni qu’il soit capable d’offrir un système exempt de contradictions ; mais parce qu’il est, parmi toutes les images que notre intellect est capable de concevoir, la seule qui, satisfaisant au moins jusqu’à un certain point notre tendance à l’identité, offre en même temps de réelles et quelquefois de surprenantes concordances avec les phénomènes. C’est donc en suivant cette image, en la rendant de plus en plus adéquate aux faits que nous avons le plus de chances de connaître mieux ces derniers. En d’autres termes, la réduction au mécanisme et à l’atomisme n’est pas en elle-même un but, mais un moyen. C’est une règle qui guide la marche de la science, ainsi que Lange l’a déjà montré[1].

Ou ne peut pas dire que la science se rapproche indéfiniment de la réduction au mécanisme, si l’on entend par ce dernier terme une hypothèse logique, cohérente, libre de contradictions. La science n’accomplit que des progrès finis et toutes les hypothèses mécaniques qu’elle forme étant contradictoires en elles-mêmes, c’est-à-dire absurdes au fond, elle reste toujours séparée par une distance infinie de cette conception logique vers laquelle elle paraît tendre.

C’est en tant que guide, en tant que principe directeur que le mécanisme a rendu à la science d’inappréciables services et, — le passé nous étant un sûr garant de l’avenir, — lui en rendra sans doute encore. En l’adoptant franchement comme tel, nous aurons en outre l’avantage de débarrasser la science théorique de certains fantômes (comme dirait Bacon) qui la hantent, tels que la « tendance à l’unité » ou la « tendance à la simplicité ». En un certain sens, la tendance à l’unité existe, puisque notre entendement, en niant toute diversité dans le temps et l’espace, tend à ramener finalement l’ensemble des phénomènes à un Tout indistinct. Mais cette tendance n’est pas un principe indé-

  1. Lange. Geschichte des Materialismus, 4e éd. Iserlohn, 1882, Préface de Hermann Cohen, p. IX.