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serait sans doute plus vraie, c’est-à-dire présenterait plus d’analogie avec la réalité, nous ferait découvrir plus de rapports entre les phénomènes, que toute autre. Ce serait donc un progrès véritable et qui aurait sa répercussion immédiate même dans la partie légale de la science : il est probable que nos calculs en seraient simplifiés, car il est moins compliqué de supposer qu’une particule n’est influencée que par ce qui l’avoisine que d’admettre qu’elle subit directement l’action de l’univers entier. Un éminent théoricien a fait ressortir à ce propos que les équations de Maxwell, qui sont basées sur l’exclusion de l’action à distance, ne sont qu’un cas particulier, une simplification de celles de Helmholtz où cette action est au contraire stipulée[1], et un autre savant, tout en déclarant qu’il considérait comme équivalentes les conceptions corpusculaire et dynamique, avoue cependant avoir été surpris par la simplicité et l’élégance de certaines formules de Hertz[2].

Quant au but ultime que les théories ont en vue, but par essence inaccessible, il est dans l’explication des phénomènes par un élément qui se différencie le moins possible de l’espace ou, si l’on veut, dans la réduction de la matière à l’espace. À ce point de vue, la science ne pourra jamais s’écarter des voies que lui a tracées l’esprit le plus puissant peut-être dont l’humanité ait eu à s’enorgueillir : Descartes.

Là où Descartes s’est trompé, c’est en croyant que des déductions pourraient produire autre chose que des constructions hypothétiques.

Jamais une théorie, quelle qu’elle soit, ne sera vraie tout simplement. Nous avons vu que la supériorité du mécanisme corpusculaire sur le dynamisme réside dans le fait qu’il correspond mieux à un postulat relatif à l’espace ; et que la vertu ; la « force explicative » du mécanisme en général proviennent uniquement du principe causal, c’est-à-dire du fait que l’on stipule la persistance de quelque chose, mais non pas de ce que la chose dont on postule la conservation, l’atome dynamique ou corpusculaire, puisse jamais être rendue compréhensible, sa fonction essentielle, l’action transitive, étant fondamentalement inaccessible à notre intelligence. Le terme de la réduction ne saurait être qu’irrationnel. Et il se peut fort

  1. Planck. Die Maxwell’sche Theorie. Wiedemann’s Annalen, 1899, Spl.
  2. L. Lange. Das Inertialsystem. Philosophische Studien, 1902, p. 55.