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des expériences au sujet des limites de la divisibilité de la matière, de la grandeur des sphères d’action, etc.

Il ne faut même pas qu’en construisant ses hypothèses, le savant en redoute trop les contradictions ultimes. L’accord entre l’image causale et le phénomène, entre la pensée et la nature, ne saurait être complet ; mais il y a analogie réelle, analogie profonde. Toute théorie mécanique d’une série de phénomènes constitue un progrès scientifique immense ; elle conduira sûrement à des découvertes, car elle contient une révélation sur l’essence de ces phénomènes. Si parfaite que fût, à tant d’égards, la théorie de Fresnel, on aurait, certes, eu tort de prendre à la lettre l’affirmation de l’existence de l’éther lumineux pourvu des propriétés contradictoires que l’on sait. Mais qu’il y eût similitude, plus que cela, identité de propriétés entre la lumière et le mode de mouvement spatial appelé ondulation, cela était certain, et cette vérité est demeurée, alors même que les conceptions de Fresnel ont fait place à celles de Maxwell. Or, ces ondulations, on ne pouvait les concevoir que dans un milieu : on a donc bien fait d’accepter l’éther lumineux, en dépit de ses propriétés inconciliables. Il faut prendre son parti de ces contradictions qui résultent des limites de notre entendement. On doit, sans doute, chercher à les réduire à un minimum, et ce sera toujours accomplir un progrès considérable que de mettre d’accord la théorie de deux parties distinctes de la science. Mais chaque théorie, si parfaite soit-elle, ne pourra jamais être logique ni intelligible jusqu’au bout. Les savants se sont beaucoup occupés de certains problèmes fondamentaux du mécanisme. Les particules élémentaires doivent-elles être considérées comme infiniment élastiques ou comme infiniment dures ? Leibniz et Huygens ont vivement agité cette question. De même, nous avons vu qu’on a cherché à expliquer l’élasticité des atomes par des mouvements de toute sorte. Enfin il y a eu de grandes discussions sur la question de savoir si nous devons considérer l’atome comme un corpuscule ou comme un centre de forces. Ces recherches et ces discussions ont une grande utilité ; il y aurait évidemment avantage à écarter définitivement l’action à distance qui répugne par trop à notre entendement, et, en réduisant toute action transitive à un type unique, nous aurions, en premier lieu, un minimum d’irrationnel, ce qui est toujours satisfaisant au point de vue théorique ; en outre, cette hypothèse