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sitions, tout le reste est empirique. Et bien qu’il ait entièrement méconnu ou plutôt expressément nié l’importance, dans la science, des éléments non empiriques, le fait d’avoir éloquemment proclamé, à une époque où la déduction seule était en honneur, la nécessité des recherches expérimentales, constitue le mérite impérissable de Bacon.

La manière dont notre entendement procède pour appliquer le principe d’identité explique qu’il soit sujet, en cette matière, à des erreurs. Des principes de conservation ont été formulés que la science a dû complètement abandonner dans la suite ; ou bien encore, il a fallu en transformer profondément la teneur, modifier l’expression de ce qui se conserve. Nous avons, dans le cours de notre travail, rencontré des exemples de l’un et de l’autre. Le principe de la conservation du calorique de Black appartient à la première catégorie : cette proposition nous apparaît maintenant comme manifestement erronée et, qui plus est, comme contredite par des faits d’expérience vulgaire, tels que la production de la chaleur par le frottement. Elle a pourtant été longtemps considérée comme fermement établie, comme une des bases les plus solides de la physique. Le principe de la conservation du mouvement de Descartes est un exemple de la seconde catégorie. Descartes avait bien le sentiment que, dans la communication du mouvement, quelque chose devait se conserver. Bien entendu, nous voyons maintenant que, même sous cette forme indéterminée, la proposition est déjà loin d’être purement apriorique car la faculté que possède un corps en mouvement de transmettre ce mouvement est un fait, et un fait impossible à établir par déduction, puisque inintelligible. Mais la déduction est si peu susceptible de nous conduire au but dans cet ordre d’idées que, cherchant ce qui se conserve, Descartes a fait fausse route et que son erreur a été partagée par ses contemporains.

On peut citer d’autres exemples encore. C’est ainsi qu’au début du xvii Quercetanus (Du Chêne) prétendit que l’on pouvait à l’aide des cendres d’une plante reproduire celle-ci, ou du moins sa forme essentielle, en solution. C’était affirmer en quelque sorte une persistance de la spécificité de la plante après combustion. La théorie, désignée sous le nom de palingenésie, bien que fondée sur des observations grossièrement erronées, eut tout de suite beaucoup de partisans et, malgré les réfutations de Van Helmont et de Kunckel, se maintint