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vement[1] ; nié que la théorie de l’ondulation ou aucune autre puisse jamais présenter « une utilité réelle pour guider notre esprit dans l’étude effective de l’optique[2] » ; considéré que les « prétendues interférences optiques ou les croisements analogues en acoustique » étaient « des phénomènes essentiellement subjectifs », l’opinion contraire des physiciens constituant « une grave illusion[3] » ; affirmé que toute assimilation entre la lumière, le son ou le mouvement sera toujours une « supposition arbitraire[4] » ; condamné en général comme dues « à la prépondérance prolongée de l’ancien esprit philosophique », toutes les tendances visant à établir des rapports entre ce que nous appelons à l’heure actuelle les diverses formes de l’énergie[5]. Il est d’ailleurs facile de se rendre compte que ces erreurs du fondateur du positivisme ne sont nullement accidentelles. On peut, en partant du concept utilitaire de la science, nous l’avons vu au chapitre ier justifier à la rigueur les hypothèses explicatives. Cependant, la prédilection dont les physiciens font preuve pour les conceptions atomiques devient difficilement explicable ; et l’on voit ainsi

  1. A. Comte. Cours de philosophie positive, 4e éd. Paris, 1877, vol. I, p. 18.
  2. Ib., vol. II, p. 342-453.
  3. Comte. Politique positive, vol. I, p. 531. La date à laquelle il exprime cette opinion (1851) ne la rend que plus curieuse.
  4. Ib., vol. II, p. 445. Il a maintenu cette opinion en 1851, cf. Politique positive, vol. I. p. 528 : « Six branches irréductibles » de la physique, « peut-être sept ».
  5. Ib., vol. III, p. 152. Il est au moins probable que d’autres erreurs de Comte se rattachent, un peu moins directement, à la même tendance ; telles, son opinion sur la théorie de la variabilité des espèces de Lamarck qu’il qualifie « d’hypothèse irrationnelle » (Pol. pos., vol. I, p. 665) : son enthousiasme pour les médiocres conceptions d’un Gall (Cours, vol. III, p. 513, 534-587), enthousiasme dont, même vers la fin de sa vie, il n’est revenu que très partiellement (cf. Pol. pos., I, p. 669 ss.) : son hostilité envers la chimie organique qui lui apparaissait comme un « assemblage hétérogène et factice » qu’il fallait « détruire » (Cours, vol. III, p. 174) et contre laquelle il renouvelait ses attaques encore en 1851 (Pol. pos., I, p. 550), c’est-à-dire plus de vingt ans après la synthèse de Wœhler (1828), postérieurement à la découverte des ammoniaques composés par Wurtz (1849) et à la veille même de l’apparition de la théorie des types de Gerhardt (1853) ; enfin son peu de compréhension pour le développement de la chimie générale, à laquelle il voulait imposer une théorie bizarre de composition binaire (Cours, III, p. 81 ss., VI, p. 641), théorie qui n’était probablement qu’une généralisation maladroite des conceptions de Berzélius que les chimistes, vers cette époque, abandonnaient de plus en plus : ce qui fait que Comte, constatant le peu de succès de sa théorie, les accusa d’ « esprit métaphysique ». (Pol. pos., vol. I, p. 551.)