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CHAPITRE XII

CONCLUSIONS

Des pages qui précèdent se dégage, semble-t-il, avant tout cette conclusion : il n’est pas exact que la science ait pour but unique l’action, ni qu’elle soit uniquement gouvernée par le souci de l’économie dans cette action. La science veut aussi nous faire comprendre la nature. Elle tend réellement, selon l’expression de M. Le Roy, à la « rationalisation progressive du réel[1] ».

Elle a bien été édifiée avec la quasi-certitude que la nature est ordonnée, mais aussi avec l’espoir tenace qu’elle se montrera intelligible. Dans chaque chapitre de la science ces deux principes ont été appliqués simultanément et continuent de l’être. Leur action s’enchevêtre irrémédiablement, parce qu’ils se passent et repassent leurs acquisitions : Non seulement, comme on l’a dit, les faits empiriques servent à édifier des théories lesquelles font découvrir de nouveaux faits, mais encore des considérations sur la conservation, sur l’identité, interviennent à chaque pas dans la science légale, empirique, laquelle est, en dépit de l’apparence, saturée de ces éléments aprioriques.

Que serait-il arrivé si dans le passé l’humanité avait, par impossible, adopté les points de vue de Berkeley et de Comte et considéré qu’il n’y a pas de cause au delà de la loi ou qu’il faut s’abstenir de la chercher ? Le grand philosophe idéaliste s’est prudemment abstenu de formuler des applications de son principe. Mais Auguste Comte s’est expliqué avec plus de précision. Dès lors il a loué Fourier pour avoir traité de la chaleur sans s’occuper de savoir si elle était matière ou mou-

  1. É. Le Roy. Science et Philosophie. Revue de métaphysique, VII, 1899, p. 534.