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elle demeure, en tant que loi empirique, d’une vérification difficile et, dans bien des cas, impossible ; sans compter que les découvertes récentes, celle notamment des corps radioactifs, tendent certainement à l’infirmer en tant que notion déduite directement de l’expérience. En réalité, l’énergie, Hertz nous l’a dit, n’a rien d’une substance ; sa conservation est simplement plausible ; mais alors il faut la déduire du principe de causalité, et non inversement, comme le veut M. Ostwald.

D’autre part, le système infiniment ingénieux des intensités et des capacités conduit à une anomalie qui le menace dans sa partie essentielle. La température est incontestablement, selon la définition de M. Ostwald, un facteur d’intensité des mieux caractérisés, puisque deux corps ayant même température, si on les réunit, n’en changent pas. En divisant l’énergie calorique par la température, on arrive à l’entropie. L’entropie devrait donc, d’après M. Ostwald, rentrer dans la classe des capacités, c’est-à-dire rester constante. Or, nous savons que sa caractéristique essentielle (excepté le cas limite, irréalisable dans le monde physique) est au contraire de grandir constamment. M. Ostwald a cherché à écarter cette difficulté destructive de son système. En s’appuyant sur certaines données expérimentales, et notamment, semble-t-il, sur celles de M. Landolt, il déduit que la masse pourrait bien être une grandeur non pas constante, mais soumise à des modifications incessantes dans une même direction[1]. Évidemment, cette supposition modifie tout à fait la notion de capacité établie par M. Ostwald lui-même, toutes les capacités s’assimilent à l’entropie. Qui ne voit ce qu’un tel système a d’artificiel ? Que la matière puisse se dissocier, comme le suppose aussi M. G. Le Bon, cela est assurément admissible : mais les faits par lesquels on conclut à cette dissociation, en prenant les choses au mieux, sont rares et menus. Quelle analogie y a-t-il entre cette situation et la manière dont se comporte l’entropie dont la tendance à l’accroissement, manifeste et incessante, nous apparaît comme le grand ressort réglant le devenir des phénomènes, ainsi que du reste M. Ostwald le reconnaît lui-même ? N’est-il pas évident au contraire qu’au lieu de se comporter comme l’entropie, la masse se comporte plutôt comme l’énergie, que le principe

  1. Vorlesungen, p. 281.