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soient dues directement au principe de causalité, c’est-à-dire au désir d’établir l’identité dans le temps.

Il y a plus, et nous avons vu, en traitant de l’unité de la matière, que la chimie a non seulement la tendance à expliquer les propriétés des composés par celles des éléments, mais encore à réduire à un minimum les propriétés dont elle est obligée de douer ses atomes élémentaires. On voudrait ramener tout à des considérations de poids atomiques parce que c’est évidemment de cette manière qu’on se rapprocherait le plus de la matière unique, et on éprouve comme un sérieux inconvénient que cette réduction n’ait pu encore s’effectuer pour la valence, que celle-ci reste « qualité occulte ».

Mais ce sont là des vues fort lointaines ; pour le moment, non seulement nous ne savons pas expliquer les propriétés des éléments, mais même en supposant ces dernières, celles des composés nous paraissent énigmatiques. On s’est quelquefois étonné que la théorie chimique semble accepter paisiblement, même à titre provisoire, un tel état de choses, et Huxley, dans le passage auquel nous avons fait allusion (p. 310) a exprimé avec vivacité cet étonnement. Après avoir noté l’étrange changement de propriétés que nous observons quand l’oxygène et l’hydrogène se combinent pour former de l’eau, le grand biologiste continue : « Néanmoins, nous désignons ces phénomènes, et bien d’autres aussi étranges, comme propriétés de la matière et nous n’hésitons pas à croire que, de manière ou d’autre, ils résultent des propriétés des éléments composants de la matière ». C’est que Huxley n’avait pas bien pesé les trésors de bonne volonté qui se manifestent en nous chaque fois que l’explication causale doit intervenir. Sans doute, il est très « étrange » que l’eau contienne de l’hydrogène et de l’oxygène. Ce que nous désignons sous les noms d’hydrogène et d’oxygène, ce sont des corps ayant chacun un ensemble de propriétés bien connues. C’est par ces propriétés que nous les définissons et elles font partie intégrante du concept. Nous ne pouvons évidemment affirmer qu’elles persistent telles quelles dans l’eau ; mais nous croyons que, « de manière ou d’autre », — nous laissons à l’avenir le soin d’apporter sur ce point les précisions nécessaires, — elles y sont cachées. C’est le même subterfuge dont usait en pareille occasion la théorie de la chaleur de Black et dont nous usons d’ailleurs encore, dans certaines circonstances, avec plus