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priétés de la matière résultent de celles des éléments qui la composent[1].

Il est très curieux de constater que Comte était du même avis. « La chimie, dit-il en définissant cette science, a pour objet final, étant données les propriétés de tous les corps simples, de trouver celles de tous les composés qu’ils peuvent former[2] » ; ce qui indique apparemment que les secondes doivent pouvoir se déduire des premières. On pourrait, à la vérité, trouver cette affirmation équivoque. Comte, nous le savons, n’admettait dans la science que des règles empiriques ; n’aurait-il pas envisagé que la déduction se ferait à l’aide de règles de ce genre ? Mais voici un autre passage : « toutes les données fondamentales de la chimie devraient, en dernier lieu, pouvoir se réduire à la connaissance des propriétés essentielles des seuls corps simples[3] ». Ici il n’y a plus de doute, puisque toute règle empirique est exclue. Comte, évidemment, en énonçant ces formules, ne pensait plus à sa définition de la science et cédait au besoin instinctif de l’explication.

Sans doute, la chimie théorique n’a pas jusqu’à ce jour fait beaucoup de progrès dans cet ordre d’idées. Nous ne connaissons qu’un petit nombre de propriétés des combinaisons dont, selon l’expression de M. Van’t Hoff, « la liaison avec la formule chimique est si sûrement établie qu’elles se déduisent de cette formule comme une conséquence nécessaire des conceptions atomistiques et moléculaires adoptées[4] ». Mais il suffit d’ouvrir un manuel de chimie physique tel que les beaux livres de M. Van’t Hoff ou de M. Ostwald, ou même un manuel de chimie quelconque, pour se convaincre que les efforts sont réellement orientés dans cette direction. Le but poursuivi est bien de rattacher toutes les propriétés à la formule chimique, en partant des propriétés fondamentales des atomes élémentaires, et notamment du poids atomique, c’est à-dire de les déduire soit du nombre et de la nature des atomes groupés, soit de la manière dont ils sont groupés. Les relations du premier ordre, celles qu’on peut déduire de la simple considération des poids moléculaires, se manifestent

  1. Huxley. Lay Sermons. Londres, 1887, p. 118.
  2. A. Comte. Cours, vol. III, p. 18.
  3. Ib., p. 15.
  4. Van’t Hoff. Leçons de chimie physique, trad. Corvisy, IIIe partie. Paris, 1900, p. 3.