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corps qu’il désigne ailleurs sous ce terme, mais bien des qualités.

Pour Hippocrate[1] de même, le corps humain est composé de quatre éléments qui sont le sec, l’humide, le froid et le chaud ; ce sont en effet ces quatre éléments qui forment les aliments, lesquels à leur tour se transforment en humeurs (dont Hippocrate connaît également quatre), qui sont les composants les plus essentiels des corps.

Au moyen âge nous voyons continuellement des théories de ce genre percer sous l’appareil purement logique de l’aristotélisme. En Orient, au début du xe siècle, Saadia, un des grands initiateurs juifs qui ont exercé une si grande influence sur le mouvement intellectuel de cette époque, en parlant de la destruction d’un corps par le feu, déclare que dans ce cas les parties du corps détruit se séparent, mais, étant des éléments, demeurent sans changement et retournent simplement à leur lieu d’origine « la chaleur qui se trouvait dans ce corps faisant retour à l’élément du feu, son humidité et son froid, aux éléments respectifs[2]. » En Occident, au ixe siècle, Scot Erigène expose que les corps sont constitués par la réunion non pas des éléments substantiels eux-mêmes, mais de leurs accidents qualitatifs ; toutefois ces accidents sont eux-mêmes en quelque sorte des substances, puisqu’ils demeurent indestructibles, ils ne peuvent que se séparer pour se réunir dans de nouvelles combinaisons et créer ainsi des corps nouveaux[3]. Au xiie siècle, Guillaume de Couches enseigne que les quatre éléments ont été créés à l’origine du monde et ont servi ensuite à créer les corps. Dans ces derniers les particules matérielles des éléments se trouvent simplement juxtaposées. Ce sont ces particules qui sont, en réalité, les vrais éléments. « Tous les corps sont composés d’éléments. Un élément, tel que le définissent les philosophes, est une particule simple et minime d’un corps quelconque, simple en ce qui concerne la qualité, minime en ce qui concerne la quantité[4]. » Les corps que nous appelons terre, eau, air et feu ne sont pas les élé-

  1. Galeni De elementis secundum Hippocratem, lib. I, Opera, éd. Kuehn, vol. I, p. 457, 477, 479, 480, 487. — Cf. Lasswitz. Geschichte, p. 229.
  2. Cf. Lasswitz, ib., p. 156.
  3. Scotus Erigena. De divisione naturae. Oxford, 1681, I, chap. xxxi, xxxii. — Cf. Lasswitz, l. c., p. 39.
  4. Elementa philosophiae, dans Beda. Œuvres. Cologne, 1688, vol. II, p. 209. — Cf. Lasswitz, l. c., p. 74.