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qui accompagne en nous l’accomplissement d’un acte[1]. Bien entendu, tout comme la divinité de Malebranche, cette entité métaphysique, quoique dérivée de la volition, ne peut être libre. Impénétrabilité ou force entourant l’atome, l’une et l’autre nous apparaissent comme constantes. Elles pourraient sans doute à la rigueur varier dans le temps selon une règle définie — ce serait poser une loi sans raison possible, — mais elles ne sauraient varier librement sans déroger aux fondements mêmes de la science.

Les quatre concepts dont nous avons reconnu l’existence, et qui constituent quatre manières différentes de comprendre le rapport entre l’antécédent et le conséquent, ont des domaines différents. La légalité s’applique à tous les phénomènes sans exception qui font l’objet de la science et à chaque phénomène en particulier sous tous ses aspects, en tant du moins que nous le concevons comme étant un objet de la science. Nous cherchons à appliquer la causalité scientifique également à tous les phénomènes de la science et nous trouvons toujours, en violentant plus ou moins la nature, un côté du phénomène auquel elle peut s’appliquer ; mais, ainsi que l’établit M. Boutroux dans le passage que nous avons cité (page 259), jamais cette application n’est complète, jamais il ne peut y avoir persistance du tout, coïncidence, identité complète entre l’antécédent et le conséquent. Le phénomène type, celui auquel nous réduisons les autres, le mouvement, n’est lui-même explicable que si nous l’assimilons au repos. Dès que nous le concevons comme changement, des difficultés se manifestent que nous ne parvenons à vaincre qu’à l’aide d’artifices tels que le calcul infinitésimal. Le domaine de ce concept est donc plus restreint que celui du précédent. La causalité théologique gouverne les phénomènes en tant que nous les concevons comme échappant à la science, à la prévision et enfin la causalité efficiente, qui est une sorte de concept hybride, intermédiaire entre les deux derniers, s’applique, avec plus ou moins de bonheur, à la partie des phénomènes de la science qui échappent à la causalité scientifique, c’est-à-dire à leur côté irrationnel. La causalité théologique, par son essence même, est entièrement étrangère à la science ; la causalité efficiente y pénètre, facultativement, en pis-aller. Seuls les deux concepts de légalité et de causalité

  1. Cf. Appendice I, p. 407 ss.