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polarisation que nous observons directement et qui ne s’expliquent pas ou qui s’expliquent fort mal par toute autre supposition, prêtent un appui singulier à la thèse, et de même le mouvement brownien, tel qu’il a été observé par M. Gouy, puisqu’il rend directement visible, par ses effets, l’agitation des parties.

Mais la confirmation la plus éclatante lui est venue par la physiologie, par ce qu’on appelle la théorie de « l’énergie spécifique des organes sensoriels ». C’est encore une conception théorique, mais appuyée sur des faits physiques et physiologiques directement observables. Elle a été formulée vers 1830 par le physiologiste Johannes Muller et consiste à affirmer que la nature spécifique de la sensation dépend, non pas de celle de la cause extérieure qui la produit, mais uniquement de l’organe qui la transmet. Ainsi, que le nerf optique soit affecté par une excitation quelconque, que ce soit ce que nous appelons proprement de la lumière, ou une action mécanique, une excitation électrique, ou même un processus morbide, ce que nous ressentirons sera toujours une sensation lumineuse. La théorie primitive de Muller a subi, depuis, quelques modifications, mais il semble bien qu’en dépit de nombreuses attaques elle soit restée debout dans ses parties essentielles[1]. Les faits physiologiques tendent à la confirmer. Helmholtz qui en était un partisan déterminé, a fait observer, entre autres, que nos organes sensoriels semblent disposés de manière à être très accessibles à des excitations d’une certaine nature et protégés contre toutes les autres. Ainsi, la rétine est protégée contre la pression et l’excitation électrique, alors que la lumière peut facilement pénétrer jusqu’à elle[2]. Il a démontré également que les couleurs les plus pures que l’œil soit susceptible de percevoir sont purement subjectives[3]. Mais des faits physiques très solides viennent également à l’appui. Ainsi, depuis les travaux d’Ampère[4] et de Melloni[5], aucun doute n’est permis

  1. Cf. Binet. L’âme et le corps. Paris, s. d., p. 266.
  2. Helmholtz. Wissenschaftliche Abhandlungen. Leipzig, 1882, vol. II, p. 602.
  3. id. Populaere wissenschaftliche Vortraege. Braunschweig, 1876, II, p. 53.
  4. Cf. Rubens. Le spectre infra-rouge. Congrès international de physique de 1900, vol. II, p. 142.
  5. Melloni. Sur l’identité de diverses radiations. Comptes rendus de l’Académie des sciences, XV, 1842, p. 454 ss. — Cf. Abbia. Observationsetc. Travaux de la Société de Bordeaux, vol. IV, 1866, p. 78 ss.