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plus grand. Il en est de même si l’on considère l’état final de l’univers entier : ce n’est plus la mort, c’est une sorte de sommeil, mais il est infiniment peu probable qu’il puisse se réveiller jamais.

L’hypothèse de Maxwell, qui constitue, selon le jugement de M. Poincaré, « la tentative la plus sérieuse de conciliation entre le mécanisme et l’expérience[1] » est-elle réellement suffisante ? M. Poincaré semble, en définitive, être parvenu lui-même à la conviction contraire[2] et MM. Duhem[3], Lippmann[4] et Mach[5] sont du même avis ; mais peut-être la théorie sur ce point n’a-t-elle pas dit son dernier mot. Il convient, en tout cas, de constater que la conception qui fait le fond de la théorie de Maxwell et qui consiste à supposer que le principe de Carnot ne règle que les phénomènes des corps sensibles, mais ne s’applique pas à leurs particules élémentaires, reçoit une confirmation curieuse et inattendue par suite d’une découverte récente. On a deviné que nous voulons parler du « phénomène de Gouy » ou mouvement brownien. C’est Brown qui avait observé le premier, vers 1823, que des particules de matière suffisamment petites, vues au microscope, se montraient dans une agitation continuelle. Ce fait, que les très nombreux chercheurs qui emploient cet instrument sont en mesure de confirmer journellement, avait peu attiré l’attention, jusqu’au moment où M. Gouy eut l’idée de l’étudier de plus près. Il établit, par élimination, qu’aucune des causes auxquelles on pouvait l’attribuer ne saurait être invoquée en l’espèce : il ne pouvait s’agir ni de mouvements insensibles du sol, ni de différences de température, ni de l’action de la lumière. En outre, il reconnut, en étudiant des bulles de liquide contenues dans des cavités de cristaux de quartz, que le phénomène devait être considéré comme permanent, puisque, apparemment, il persistait depuis les lointaines époques géologiques où ces cristaux avaient été formés. C’est donc un mouvement qui ne cesse pas ou qui renaît continuellement, sans emprunter de l’énergie à l’extérieur, ce qui est manifes-

  1. H. Poincaré. Le mécanisme et l’expérience. Revue de métaphysique, I, 1893, p. 535.
  2. Ib., p. 537.
  3. Duhem. L’évolution de la mécanique. Paris, 1903, p. 153.
  4. Lippmann. La théorie cinétique des gaz et le principe de Carnot. Congrès international de physique de 1900, vol. Ier, p. 549.
  5. Mach. Die Principien der Waermelehre. Leipzig, 1896, p. 364.