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bitude de voir se manifester. Il y a un demi-siècle environ, Weber et Kohlrausch s’étonnaient de la quantité d’énergie que libèrent des réactions chimiques. « Si toutes les particules d’hydrogène contenues dans un milligramme d’eau, d’une pile longue d’un millimètre, étaient liées à un fil et toutes les particules d’oxygène à un autre fil, il faudrait tendre les deux fils dans des directions opposées, chacun par un poids de 2 956 quintaux, pour produire une décomposition de l’eau avec une vitesse telle, qu’un milligramme fût décomposé en une seconde[1]. » Mais qu’est cette énergie, la plus considérable que nous soyons en état de produire, comparée à celle que recèlent les atomes ? L’émanation du radium, que nous devons considérer comme un véritable gaz très instable, émet, en se transformant en une matière non volatile, trois millions de fois plus d’énergie que l’explosion d’un même volume d’hydrogène et d’oxygène[2].

Évidemment, une source d’une telle puissance peut maintenir pour ainsi dire sans effort le rayonnement de la terre et même celui du soleil vers l’espace[3]. Dès lors, le processus mondial peut être conçu comme étant, sans retour, alimenté par des réserves dont l’abondance dépasse les limites de l’observation.

On peut ranger dans la même catégorie de l’explication par l’immense de curieuses spéculations par lesquels Boltzmann a tenté également de concilier l’identité dans le temps et le principe de Carnot. Boltzmann conçoit un monde où les ères que nous qualifions d’éternelles (Aeonen) ont une durée comparativement infime. Il y règne partout l’équilibre thermique, excepté dans des domaines relativement insignifiants, de la dimension de notre monde stellaire. « Pour l’univers tout entier, les deux directions du temps sont donc impossibles à distinguer, de même que dans l’espace il n’y a ni dessus ni dessous. » Mais un être vivant dans une phase déterminée du temps et habitant un tel monde individuel, désignera un état comme commencement et l’autre comme fin. Pour le même domaine on aurait alors nécessairement « au début du temps un état improbable ». Il existe donc peut-être « dans l’ensemble de tous les mondes individuels » des phénomènes se

  1. W. Weber et R. Kohlrausch, Ueber die Elecktricitaetsmenge, etc. Poggendorf’s Annalen, XCIX, 1856, p. 24.
  2. Rutherford. Radio-Activity. Cambridge, 1906, p. 327.
  3. Ib., p. 492-496.