Page:Meyerson - Identité et réalité, 1908.djvu/261

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Clausius qui, au début de ses travaux, ignorait ceux de son illustre prédécesseur, refit la découverte ; il eut en outre le grand mérite d’établir que ce principe pouvait s’accorder avec celui de la conservation de l’énergie ; enfin il en précisa l’énoncé, en tant qu’applicable plus spécialement aux phénomènes de la thermodynamique, de manière à le mettre à l’abri de certaines objections. Clausius a d’ailleurs été amené lui-même, par la suite, à modifier son énoncé primitif et d’autres modifications ont été proposées depuis. C’est avec les travaux de Clausius que le principe entra définitivement dans la science où son immense importance et sa grande fécondité furent bientôt reconnues. C’est pourquoi on le désigne quelquefois sous le nom de principe de Clausius ou encore de Carnot-Clausius, quoique Clausius lui-même, reconnaissant les droits incontestables de son prédécesseur, ne lui ait attribué que le nom de ce dernier.

Le principe est formulé par M. Duhem en ces termes : « La valeur de transformation d’une modification est égale à la diminution que subit, par cette modification, une certaine grandeur liée à toutes les propriétés qui fixent l’état du système, mais indépendante de son mouvement[1]. » Cette grandeur est ce qu’on appelle l’entropie du système et sa conception est éminemment liée, pour les phénomènes caloriques, à celle de la température, ce qui aboutit à investir cette propriété d’un rôle tout à fait particulier et très essentiel. M. Poincaré formule plusieurs énoncés dont le plus bref est celui-ci : « Il est impossible de faire fonctionner une machine thermique avec une seule source de chaleur[2]. » Le terme « source » indique ici généralement un corps ou un ensemble de corps susceptibles de céder de la chaleur ou de se la faire céder et il faut, pour qu’une machine thermique fonctionne,

  1. Duhem. L’évolution de la mécanique, p. 111. — M. Mouret (notes à la traduction de Maxwell. La chaleur. Paris, 1891, p. 199) constate que le principe de Carnot « a reçu maints énoncés, preuve que le fait qu’il exprime est mieux senti que compris ». M. Dastre (La vie et la mort. Paris, s. d., p. 87) dit : « Il est très remarquable qu’on ne puisse donner un énoncé très général de ce principe dont la puissance a changé la face de la physique. »
  2. H. Poincaré. Thermodynamique, p. 120. Cet énoncé présente l’avantage de se rapprocher de très près des idées propres de Carnot. Ce dernier ne se sert pas du terme source, mais la définition qu’il donne des termes foyer et réfrigérant dont il use, est entièrement conforme au concept de source chez les physiciens modernes (Cf. Réflexions. Paris, 1903, p. 17).