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Sans doute, personne n’affirme que les éléments, en entrant dans ces combinaisons conservent toutes leurs propriétés ; il semble même, à première vue, qu’il ne saurait y avoir aucun rapport à cet égard entre le métal potassium, le gaz hydrogène, etc. d’une part, et le bisulfite d’autre part. On sait cependant que de tels rapports existent. Le plus important, qu’on appelait autrefois la loi des équivalents, fut établi par Gay-Lussac et transformé par Avogadro, lequel y rattacha des considérations sur les poids spécifiques des gaz. Depuis, les chimistes en ont trouvé d’autres : patiemment ils continuent à chercher, convaincus d’avance que ces rapports existent, qu’il ne s’agit que de les dégager ; ce qu’on appelle chimie physique ou générale n’est par le fait que l’étude de l’influence qu’exerce sur les propriétés des corps leur composition chimique, c’est-à-dire l’ensemble des propriétés de leurs éléments et leur mode de groupement.

Il est difficile, semble-t-il, de douter, dans ces conditions, que l’hétérogénéité des éléments primordiaux constitue réellement le fond de la chimie. Si cependant nous recherchons à cet égard les opinions des chimistes eux-mêmes, et surtout des théoriciens de la chimie, nous constaterons des doutes manifestes, et même quelquefois l’affirmation nette de l’unité de la matière. Cela date de loin. Lavoisier déjà hésitait à placer sur le même rang tous les éléments dont il avait établi l’existence. L’oxygène, l’azote, l’hydrogène lui paraissaient plus simples que les autres corps qui, par conséquent, n’auraient été que des composés[1]. En 1815 Prout formula sa théorie bien connue en vertu de laquelle l’hydrogène serait l’élément primordial, dont seraient composés tous les autres ; cette conception eut une fortune extraordinaire et compta parmi ses adhérents beaucoup de chimistes autorisés, entre autres J.-B. Dumas qui, il est vrai, la modifia légèrement, en partant d’un sous-multiple du poids atomique de l’hydrogène[2]. Les recherches ultérieures ne la confirmèrent pas ; mais elle résista longtemps et elle est loin d’avoir définitivement disparu[3]. Plus considérable encore fut le

  1. Cf. Bouasse. Introduction à l’étude des théories de la mécanique. Paris, 1895, p. 166.
  2. Ib., p. 169.
  3. Cf. E. Booth. Prout’s Hypothese, etc. Wiedemann’s Annalen, 1902, Spl. — R. J. Strutt. Ueber die Tendenz, etc., ib.C. Hollins. Atomgewichts-grundzahlen, ib., 1903. — Hinrichs. The Elements of Atom Mechanics, vol. Ier (cité d’après la Revue générale des sciences, vol. VI, 1895, p. 756).