Page:Meyerson - Identité et réalité, 1908.djvu/239

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’alors n’ont pas conscience, qui les entraîne pour ainsi dire malgré eux[1]. Au début de la chimie du phlogistique, Becher est fermement convaincu de la possibilité de la transmutation[2] et croit même avoir trouvé un procédé pour l’effectuer dans certaines limites[3]. C’est donc que non seulement les métaux, mais encore les chaux métalliques (ce que nous appelons les oxydes) ne lui apparaissaient point comme de véritables éléments. En effet, il croyait que ces derniers n’étaient qu’au nombre de trois, c’étaient au fond les mêmes que ceux de Paracelse, bien que Becher les décore de noms différents[4]. Même Stahl, qui a été le premier à se servir du terme phlogiston, ne doutait pas non plus, du moins pendant la première partie de sa carrière, de l’existence d’une substance appelée Elixir ou Teinture[5] et dont la principale propriété consistait à transmuer les métaux ; il a expressément affirmé la possibilité d’une transmutation du plomb[6]. Plus tard, il a changé d’opinion et est devenu l’adversaire des alchimistes[7] ; toutefois, on ne voit pas qu’il ait jamais déclaré qu’il considérait les chaux métalliques comme de véritables éléments[8]. Cependant peu à peu cette dernière opinion (préparée au xviie siècle par les écrits de Boyle[9] qui pourtant, nous l’avons dit, croyait lui-même à l’unité de la matière) tend à prévaloir parmi ses successeurs. Il est certain qu’elle se trouve déjà solidement établie à la veille des découvertes de Lavoisier[10], et qu’à ce point

  1. On peut voir chez Kopp, Geschichte der Chemie, vol. IV, passim, avec quelle lenteur s’élaborait le concept de la spécificité de la plupart des substances chimiques et notamment des métaux. Cf. aussi ib., vol. I, p. 191-214, 219, 258.
  2. On trouvera chez Kopp, Die Alchemie in aelterer und neuerer Zeit. Heidelberg, 1886, vol. I, p. 67, les titres de deux ouvrages de Bêcher où ce dernier défend l’alchimie contre ses adversaires. Ib., p. 241, un extrait de Becher où ce dernier affirme que les « Spagyristes » peuvent bien fabriquer de l’or à l’aide de divers ingrédients (tels que : argent, mercure, soufre, etc.) puisque la nature elle-même procède par cette voie. Cf. ib., p. 104 et id. Geschichte, vol. I, p. 178.
  3. Cf. chez Kopp, Die Alchemie, vol. I, p. 144 et 147 des détails sur le procédé et les négociations avec les États de Hollande.
  4. Ib., p. 67, 71. cf. Geschichte, vol. I, p. 133, vol. II, p. 277.
  5. Kopp. Alchemie, I, p. 69.
  6. Ib., I, p. 71.
  7. Ib., I, p. 72.
  8. On peut voir chez Kopp, Geschichte, vol. II, p. 278 combien curieux était le mélange que présentaient ses opinions en cette matière.
  9. Cf. Duhem. Le mixte. Paris, p. 16, 17, 48, et Kopp. Geschichte, vol. II, p. 275.
  10. Kopp. Alchemie, vol. II, p. 164. Geschichle, vol. II, p. 279-280.