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cent. D’ailleurs, la nature de ce déplacement est restée indéterminée ; indétermination toute provisoire, cela est évident, car si nous voulions pénétrer plus avant dans l’explication du phénomène, en scruter le mécanisme, nous serions obligés de préciser les mouvements moléculaires, c’est-à-dire de nous prononcer sur le mode de déplacement. Nous l’avons évité par le simple fait que l’explication des phénomènes chimiques est encore trop peu poussée ; on dira que la chimie n’est pas assez avancée pour admettre de véritables explications mécaniques, mais on ne saurait douter que le mécanisme universel exige des explications de ce genre. Cependant, cette indétermination provisoire nous a servi dans notre démonstration, en ce sens qu’elle nous a permis de mieux faire ressortir l’identité entre l’antécédent et le conséquent.

La chose semble en effet plus malaisée si nous nous tournons vers la science même du mouvement, la mécanique. Ici nous avons devant nous le phénomène fondamental, celui auquel la science explicative tend à réduire tous les autres ; pourra-t-on dire que la science tend à le nier ?

Si cependant l’analyse à laquelle nous nous sommes livré est exacte, si l’explication par le mécanisme est non pas un but, mais un moyen, et si la valeur explicative des théories mécaniques repose sur ce qu’elles donnent satisfaction à notre tendance causale, il est clair que notre manière de traiter des corps en mouvement doit s’en ressentir. Et l’on prévoit que, de l’aspect double du mouvement, qui est à la fois conservation et changement, la science rationnelle s’appliquera surtout à faire ressortir le premier.

Revenons aux trois principes de conservation. Celui de la masse ne concerne pour ainsi dire pas la mécanique, puisqu’il est entendu par définition que les phénomènes dont cette science s’occupe excluent une transformation quelconque de la matière. Mais le principe de la conservation de l’énergie est en partie mécanique et celui d’inertie l’est entièrement. Ces deux énoncés dominent complètement cette partie de la science, et c’est surtout sous cet aspect que nous aimons à traiter de ces phénomènes. Une pierre était suspendue, elle s’est détachée et est en train de tomber : c’est que son énergie, de potentielle qu’elle était, est devenue cinétique ; mais l’énergie y était, elle y est encore. J’ai jeté une pierre en l’air, elle s’est déplacée d’abord avec une certaine vitesse, celle-ci est allée en diminuant, jusqu’à l’arrêt complet, la