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chaleur (qui s’exprime, comme on sait, en calories) et l’on vit qu’elle constituait bien une caractéristique de la réaction[1]. Nous pouvons donc compléter comme suit l’équation ci-dessus :

Hg O + X cal. = Hg + O.

Nous avons écrit trois équations différentes : elles représentent pourtant un seul et même phénomène. On pourrait sans doute écarter complètement la première, en la déclarant fausse, étant donné que nous ne croyons plus à l’existence du phlogistique. Mais ce serait à tort, car la théorie en question fournissait, nous l’avons vu, une interprétation très acceptable du phénomène tel qu’il avait été observé à l’époque. On a même fait remarquer, à juste titre, qu’il y a une certaine analogie entre les conceptions les plus récentes et celles des chimistes du phlogistique. Ces derniers avaient bien le sentiment qu’il fallait ajouter un « principe » à la chaux de mercure pour produire du mercure métallique et que c’était là une condition générale : le fait qu’en remplaçant le terme phlogistique par celui d’énergie on obtient dans bien des cas des propositions presque exactes n’est pas une pure coïncidence[2].

Les trois équations serrent le phénomène de plus en plus près. Mais toutes trois sont des équations, c’est-à-dire tendent à établir un rapport d’égalité entre les termes représentant les états antérieur et postérieur du phénomène. À mesure que l’explication avance, l’identification devient de plus en plus parfaite. Au commencement elle n’a trait qu’au côté qualitatif du fait et manque de précision, de substrat numérique, ensuite viennent les considérations de quantité et enfin les changements caloriques, énergétiques sont « expliqués » à leur tour, c’est-à-dire qu’ils rentrent dans l’égalité entre l’antécédent et le conséquent.

Peut-on affirmer qu’ici l’égalité soit directement suggérée par l’expérience ? N’est-il pas, au contraire, paradoxal d’énon-

  1. On voudra bien excuser ce que cet exposé a de schématique et, partant, d’inexact. Lavoisier a commencé ses études calorimétriques sur les réactions chimiques en même temps qu’il poursuivait ses autres travaux. Cependant, ce n’est en effet que beaucoup plus tard qu’on parvint à des idées générales sur le rôle joué par la chaleur dans les combinaisons chimiques. — Il va sans dire qu’il faut, pour séparer le mercure de l’oxygène, ajouter en outre la chaleur de vaporisation de ce gaz.
  2. Cf. G. Helm. Die Lehre von der Energie. Leipzig, 1887, p. 7.