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dernes ont souvent eu recours à ce procédé, en s’appliquant à saisir et à préciser les conceptions de leurs prédécesseurs. Le sens général de l’explication était donc bien celui-ci : par la réaction rien ne s’est créé, rien ne s’est perdu ; le mercure rouge et le phlogistique qui existaient avant, subsistent dans le mercure métallique ; et ce changement si profond n’a été, en réalité, qu’un déplacement.

Pour ruiner ces conceptions, Lavoisier fait observer que le poids est une propriété permanente du corps, propriété qui ne s’oblitère jamais ; nous pourrons donc reconnaître à un signe infaillible si réellement quelque chose est venu s’y ajouter. Lavoisier constate, en faisant usage de la balance, que la chaux de mercure pesait plus que le mercure métallique recueilli après l’opération et que la différence se retrouve à peu près dans le poids du gaz produit. D’où la conclusion logique qu’il faut renverser les termes du rapport établi par la théorie du phlogistique, que c’est le mercure métallique qui est le corps simple, l’élément, et que la chaux de mercure est un composé de mercure métallique et du gaz que Lavoisier appela oxygène. Cette interprétation s’écrit en équation :

Hg O = Hg + O

et celle-ci présente sur la précédente cet avantage inestimable de tenir compte des poids, d’être quantitative, comme on dit ; en effet, suivant une convention précise, les symboles dont nous venons de nous servir n’indiquent pas seulement les corps, mais encore des poids définis de ces corps et l’équation signifie que 216 grammes d’oxyde de mercure fournissent 200 grammes de mercure métallique et 16 grammes d’oxygène. Ainsi l’identité entre l’antécédent et le conséquent s’est encore précisée : non seulement le mercure métallique et l’oxygène préexistaient dans l’oxyde, puisqu’ils en sont les « composants », mais encore ils préexistaient en quantités déterminées, égales à celles que nous venons de recueillir après la séparation.

Plus tard, on s’est aperçu que la décomposition de l’oxyde de mercure est accompagnée d’un autre phénomène, à savoir l’absorption d’une certaine quantité de chaleur. On constata que c’était un phénomène à peu près général, que, sauf certaines exceptions assez explicables, les corps en se combinant dégageaient de la chaleur et qu’ils en absorbaient au contraire en se décomposant. On parvint à mesurer cette quantité de