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Observons d’ailleurs que, le temps étant la variable indépendante, ses accroissements sont constants ; nous exprimons ce lait en langue vulgaire en disant que, pour connaître la vitesse en question, nous mesurerons le temps, c’est-à-dire que nous le diviserons en tranches égales, en secondes par exemple. Donc, en vertu de la formule que nous venons d’énoncer, la vitesse du corps s’accroîtra de la même manière ; c’est-à-dire que, si nous créons pour l’accroissement de la vitesse un terme spécial, en l’appelant accélération, nous pourrons énoncer la formule en disant que l’accélération est une constante.

En opérant ces transformations, en partie purement verbales, nous semblons n’avoir obéi qu’au souci de rendre la formule plus brève, plus facile à retenir. Regardons cependant ce que devient ce terme d’accélération. C’est évidemment un simple rapport, et un rapport très abstrait puisque c’est la différence de deux vitesses ; c’est quelque chose de comparable au rapport entre le quotient des espaces et celui des carrés des temps dans notre première formule. D’ailleurs, par le fait même que le concept de l’accélération (comme du reste l’indique son étymologie) dérive de celui de la vitesse, il est fondé comme ce dernier sur le concept du temps, et par conséquent il contient virtuellement celui du changement dans le temps et en fonction du temps. Cependant, comme nous pouvons stipuler la constance de ce terme même dans le temps, nous en faisons l’attribut d’une notion que nous appelons force et qui n’est plus un simple rapport, mais une chose, une réalité, réalité, remarquons-le bien, que nous ne connaissons que par cette seule manifestation, puisque la force, par définition, n’est que la cause de l’accélération. Observons aussi que cette nouvelle chose créée par nous se distingue de toutes celles du sens commun en ce qu’elle n’évolue pas dans le temps, qu’elle est constante. Donc, ce qui nous guidait en réalité dans les transformations que nous avons opérées, ce n’est pas uniquement le désir de la simplification, c’est encore la tendance à transformer un rapport en une chose, afin de voir se conserver non seulement la loi, mais encore l’objet, ce qui est, nous le savons, le véritable sens de la tendance causale. C’est parce que nous obéissons à cette tendance que nous préférons donner à nos lois une forme telle que le changement n’apparaisse pas comme dépendant directement de l’écoulement du temps, en d’autres