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celui des corps radioactifs, particulièrement instructif en ce que le phénomène paraît primordial, et qu’il semble que sa variation dans le temps soit entièrement indépendante de toute autre circonstance. Ainsi, en formulant : en 3,70 jours la radioactivité de l’émanation du radium est réduite de moitié, nous stipulons un changement dans le temps et en fonction du temps. Nous affirmons que, s’il nous arrive d’observer quelque part ce corps qu’on appelle l’émanation du radium, il ne pourra pas rester le même pendant deux moments consécutifs, mais devra se modifier de l’un à l’autre d’une manière déterminée. À travers ce changement du corps, quelque chose reste-t-il constant ? Assurément : ce qui reste constant, c’est la loi selon laquelle se produit le changement ou, si l’on aime mieux, le rapport entre ce changement et le temps. Il n’y a nulle contradiction entre cette constance et le changement continuel que nous avons stipulé pour le corps, ou plutôt la constance même du rapport inclut le changement, étant donné que le second terme du rapport est le temps et que le temps, par essence, s’écoule toujours et uniformément dans la même direction.

Passons maintenant à un phénomène de mouvement apparent, comme la chute d’un corps dans le vide. Nous pouvons commencer par mesurer les espaces traversés par un corps partant du repos, et nous arriverons ainsi à formuler cette règle que ces espaces sont en proportion des carrés des temps qui se sont écoulés depuis l’origine du mouvement[1]. Sous cette forme, la loi est strictement analogue à celle qui a été énoncée pour l’émanation du radium : elle stipule le maintien d’un rapport dont le second terme est le temps, ce qui, par conséquent, inclut le concept du changement.

Mais nous pouvons présenter cette loi sous une autre forme encore. Au lieu de rechercher les espaces traversés, nous aurons recours à un concept un peu plus abstrait et nous déterminerons la vitesse que le corps aura acquise à un moment précis de sa chute. Nous arriverons encore, bien entendu, à constater qu’un rapport reste constant (puisque aussi bien c’est l’essence même de la loi) et, en gardant le temps comme le second terme du rapport, nous dirons que la vitesse s’accroît proportionnellement au temps écoulé.

  1. On peut voir d’ailleurs, dans le beau travail de M. Wohlwill (l. c., XIV, p. 402) que c’est bien sous cette forme d’une simple variation dans le temps que Galilée avait conçu d’abord la loi de la chute.