Page:Meyerson - Identité et réalité, 1908.djvu/211

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

auquel nous sommes certainement portés à attribuer une formule négative. Mais ce principe découle immédiatement, sans qu’il y ait besoin d’interprétation, d’expériences que nous faisons pour ainsi dire sans cesse. Il n’y a rien de pareil pour le mouvement perpétuel ; l’observation quotidienne ne nous donne en aucune façon la conviction de son impossibilité, témoin précisément la foule innombrable des chercheurs[1]. On pourrait encore, à la rigueur, supposer qu’une expérimentation très vaste et entreprise selon un plan rigoureux, de manière à comprendre les phénomènes dans des limites très étendues, nous conduirait à une proposition de ce genre. Mais peut-on réellement assimiler à une telle expérimentation les recherches bien souvent extravagantes de ces inventeurs ? Personne ne s’est même jamais donné la peine de classer méthodiquement leurs travaux — la tâche serait d’ailleurs aussi ardue que stérile. Or, une série quelconque d’expériences entreprises sans succès ne saurait suffire pour démontrer l’insolubilité d’un problème, sans quoi beaucoup de grandes découvertes, la veille de leur réalisation, auraient pu être démontrées impossibles. L’humanité cherche probablement le vol dynamique depuis plus longtemps qu’elle ne cherche le mouvement perpétuel, ainsi qu’en témoignent des légendes qui se trouvent dans le folk-lore d’un grand nombre de peuples ; ces recherches ont été infructueuses jusqu’à présent, et personne pourtant ne songe à ériger en principe cette stérilité. Il est exact qu’un certain discrédit s’attache aujourd’hui aux recherches du mouvement perpétuel ; mais il s’en faut cependant de tout qu’un consensus omnium (un véritable sentiment catholique) se soit établi à ce sujet. On continue toujours à inventer le mouvement perpétuel, même par des moyens purement mécaniques, et ces tentatives ont quelquefois pour auteurs des esprits ingénieux et point entièrement dépourvus de culture technique, comme en témoigne par exemple l’invention dont le Times s’est occupé assez récemment[2]. Remarquons que le collaborateur du journal anglais, pour faire ressortir la stérilité de cette tentative, ne fait pas valoir les résultats négatifs du passé, mais la conser-

  1. « Que la doctrine de la conservation de l’énergie ne soit pas évidente par elle-même, cela est montré par les tentatives répétées en vue de trouver le mouvement perpétuel. » Maxwell, La chaleur, trad. Mouret. Paris, 1891, p. 187.
  2. Times. Engineering Supplement, 19 avril 1905, p. 64.