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cipe[1]. Helmholtz en 1847 a montré qu’il est possible d’en déduire le principe de la conservation de l’énergie.

Pour que la démonstration soit valable, il importe, bien entendu, que nous sachions exactement à quoi nous en tenir sur l’énoncé qui en forme la base ; est-ce une vérité apriorique ou une règle empirique ? Pour Leibniz, c’est un simple corollaire du principe causal : si le mouvement perpétuel était possible, l’effet serait plus grand que la cause[2]. Huygens s’exprime avec beaucoup de prudence ; l’impossibilité lui semble acquise pour des systèmes purement mécaniques ; mais il admet que pour d’autres « physico-mechanice comme en emploiant la pierre d’aimant, il y ait quelque espérance[3] ». Carnot considère également que le mouvement perpétuel est « démontré impossible par les seules actions mécaniques ». Mais, ajoute-t-il, « peut-on concevoir les phénomènes de la chaleur et de l’électricité comme dus à autre chose qu’à des mouvements quelconques des corps, et comme tels, ne doivent-ils pas être soumis aux lois générales de la mécanique[4] » ? Pour Helmholtz, c’est une vérité d’expérience ; l’impossibilité a été démontrée par l’infructuosité absolue des innombrables recherches, et solennellement proclamée à un moment donné par l’Académie des sciences de Paris[5]. L’opinion de Helmholtz est évidemment paradoxale. Il n’est pas tout à fait inconcevable, sans doute, que nous puissions parvenir, par l’expérience seule, à une proposition purement négative et très générale : tel est à peu près le cas du principe de Carnot

  1. Sadi Carnot. Réflexions sur la puissance motrice du feu. Paris, 1824. Réimpression. Paris, 1903, p. 21.
  2. Leibniz, l. c., p. 204 : « docui ex contraria essentia sequi inæqualitatem causæ et effectus, imo motum perpetuum, quæ absurda videantur. » Ib. « nascitur motus perpetuus seu effectus potior causa. » p. 206 : « saltem negabunt quidem motum perpetuum seu effectum causa potiorem esse possibilem. » Cf. Couturat. Revue de métaphysique, XI, 1903, p. 89.
  3. Leibniz. Mathem. Schriften, vol. Ier, p. 149.
  4. S. Carnot, l. c., p. 21, note.
  5. Helmholtz. Wissenschaftliche Abhandlungen, p. 73. « Uebrigens ist dieses Gesetz, wie alle Kenntniss von Vorgaengen der wirklichen Welt, auf inductivem Wege gewonnen worden. Dass man kein Perpetuum mobile bauen, das heisst Triebkraft ohne Ende nicht ohne entsprechenden Verbrauch gewinnen koenne, war eine durch viele vergebliche Versuche, es zu leisten, allmaehlig gewonnene Induction.

    « Schon laengst halte die franzoesische Akademie das Perpetuum mobile indieselbe Kategorie wie die Quadratur des Zirkels gestellt und beschlossen, keine angeblichen Loesungen dieses Problem mehr anzunehmen. Das muss doch als der Ausdruck einer unter den Sachverstaendigen weit verbreiteten Ueberzeugung angesehen werden. »